Lynch en et sans paroles

Récit / David Lynch était à Lyon dimanche dernier pour présenter INLAND EMPIRE. CC


D'abord, c'est une affluence rarissime (quoique prévisible) devant l'Institut Lumière, avec des gens sans billet présents depuis 12h - la séance, annoncée complète, est à 19h30. Preuve s'il en fallait une du culte qui entoure David Lynch : ce genre de dévotion se constate plus souvent devant les salles de concert que devant un cinéma ! L'arrivée de Lynch dans la salle se fera sous une longue standing ovation, mais après la diffusion, doublement opportune, du court-métrage Lumière qu'il avait réalisé à l'occasion du centenaire du cinéma en 1995, et dont les échos avec sa dernière œuvre sont nombreux. En prélude à la projection, David Lynch avait demandé expressément à un musicien d'improviser au piano, avant de lire lui-même un poème de son cru. Triple entrée en matière qui devenait, par la force des choses, une exergue - et un mystère de plus - à INLAND EMPIRE.«C'est ainsi que le monde tourne»Surprise : les lumières rallumées après le générique de fin, Lynch accepte de se prêter au jeu des questions-réponses avec le public. On connaît sa réticence, sinon son aversion, à commenter le sens de ses films et à en livrer des explications. Les quelques spectateurs qui tenteront tout de même de lui soutirer une analyse en seront pour leurs frais : ils n'auront droit qu'à des réponses laconiques, dont celle-ci : «C'est ainsi que le monde tourne.» Aux fans déçus qui regrettent son passage à la vidéo, il répond qu'il «ne retournera JAMAIS avec de la pellicule» ; et à ceux qui trouvent INLAND EMPIRE trop expérimental ? «C'est ainsi que le monde tourne !» (bis). Une jeune Américaine le félicite pour le cours de «méditation transcendantale» qu'il a donné à l'Université de l'Oregon - le côté obscur de David Lynch, que la traduction de Thierry Frémaux passera mystérieusement sous silence... Le silence : c'est finalement à cela que l'on retournera quand Lynch fera taire définitivement ceux qui veulent encore livrer des exégèses à ses œuvres : «Le cinéma est un langage qui cherche à s'affranchir des mots pour créer des sensations. Pourquoi voulez-vous absolument remettre des mots sur cette expérience ? Pourquoi ne voulez-vous pas seulement ressentir les choses ?».


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