Aux portes de l'enfer

Danse / La danse commence 2007 sur les chapeaux de roue avec trois rendez-vous incontournables : un chorégraphe suisse bouffon, un autre déffrichant de nouveaux territoires mouvementés, et une descente aux enfers avec le Ballet de Lorraine. Jean-Emmanuel Denave


Dans le cadre de La Belle Voisine, deux des meilleurs chorégraphes suisses débarquent à la Maison de la Danse... L'improbable Foofwa d'Imobilité (né en 1969 à Genève, de son vrai nom Frédéric Gafner), ex danseur bardé de prix et récompenses, ancien interprète de la Merce Cunningham Dance Compagny, aujourd'hui chorégraphe à la tête de la compagnie Neopostist Ahrrrt (!) avec laquelle il développe des projets pour le moins singuliers : des autos-solos (solos qu'il chorégraphie et exécute lui-même), des spectacles de danse courue à travers ville (que l'on a pu voir à Lyon lors de la Biennale de la Danse 2004)... Il présente dans la petite salle de la Maison de la Danse Benjamin de Bouillis, auto-solo au titre tiré d'un personnage de James Joyce et fruit d'une collaboration avec le neurologue Olaf Banke, spécialiste des phénomènes de dé-corporation (sensation de quitter son corps pour vivre un dédoublement de soi). Mi bouffon, mi tragique, Foofwa d'Imobilité explore dans cette pièce les différentes facettes de la duplicité et quelques abîmes séparant l'âme du corps. Pirouettes chez LuciferSecond Suisse très attendu : Thomas Hauert, né en 1967, vivant à Bruxelles où il a travaillé avec la compagnie d'Anne Teresa de Keersmaeker. Artiste polyvalent (danse, chant...), le chorégraphe développe depuis 1998 une gestuelle à la fois ludique et savante, existentielle et abstraite, fouillant les tréfonds du chaos contemporain, la notion de gravité, les rapports entre l'individu et le collectif... Modify, pièce pour six danseurs créée en 2004, s'inscrit dans cette veine : un spectacle en équilibre fragile entre écriture et improvisation, jeu et abstraction, ordre et désordre... La scénographie est signée par la plasticienne Manon de Boer et la bande sonore constituée d'un flux musical allant de Schnittke à Haendel, en passant par l'électroacoustique d'Aliocha Van der Avvort. Modify s'annonce comme l'un des temps forts de la saison danse... Autre rendez-vous incontournable : le Ballet de Lorraine présente au Toboggan un programme pantagruélique, voire dantesque. Le superbe solo Two de Russell Maliphant (interprété dernièrement à l'Opéra de Lyon par Sylvie Guillem), la dernière création du chorégraphe portugais Paulo Ribeiro (White, pièce pour dix danseurs à découvrir) et surtout l'adaptation par Joëlle Bouvier de la Divine Comédie de Dante. L'ex-complice de Régis Obadia, assistée par le metteur en scène de théâtre Joël Jouanneau, propulse vingt-cinq danseurs du Ballet de Lorraine parmi les cercles de Dante, ceux de l'enfer en particulier, afin de «trouver la faille, l'instant de la chute, celle qui bouleverse, nous rend fragile : l'homme connaît la faute, il choisit de lutter ou de s'y abandonner jusqu'au vertige». Diable ! Foofwa d'Imobilité Benjamin de Bouillis (studio Jorge Donn), Thomas Hauert ModifyÀ la Maison de la Danse du 17 au 19 janvierLe Ballet de Lorraine (Divine Comédie, White, Two) Au Toboggan de Décines le 16 janvier


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Bien roulée, la voisine