Petite musique de (boîte de) nuit

Cela faisait un bail que l'on attendait la visite lyonnaise de Four Tet, alias Kieran Hebden, prodige de la miniature électro mélodique et poétique. Ce sera fait le 14 décembre à Grnd Zéro. Christophe Chabert


Vous avez forcément déjà croisé le nom de Four Tet quelque part, même si vous n'avez pas ses disques sur les rayons indie-pop ou électronique cérébrale de votre CDthèque... En effet, l'homme derrière ce faux groupe, Kieran Hebden, est un des plus fameux auteurs de remixes en activité, proposant ses services pour des pointures populaires comme Radiohead, Bloc Party ou Aphex Twin. Cela posé, on a dit deux gros mots en ouverture concernant Four Tet : indie-pop et électro-cérébrale. Vilaines facilités journalistique pour une musique infiniment complexe, qui charrie autant d'énergie que d'émotion, et sur laquelle on ferait mieux d'accoler l'étiquette de «poésie musicale» ou d'«onirisme sonore». Car Kieran Hebden aime sculpter avec ses machines des paysages qui ressemblent à des rêves éveillés, suite de visions parfois cotonneuses, parfois furieuses, en tout cas aux avants-postes de ce que l'électro et la pop produisent généralement.

Le tour du monde en 80 minutes

Le rêve d'Hebden commence avec son premier groupe, Fridge, à la fin des années 90. L'utopie d'un rock instrumental et abstrait qui ferait passer cette musique de l'adolescence à l'âge adulte est sur le point de se concrétiser, on peut citer Satie et Debussy à côté de Bowie et Lou Reed, on reste tous des frères. De ce point de vue, les deux albums de Fridge sont des jalons importants, d'un raffinement dans les ambiances et la production dignes des plus grands groupes du genre. Mais leur échec public cinglant, et la réaction tardive mais vive à l'émergence du post-rock, condamnent Fridge à la disparition. Qu'importe, Hebden reviendra par la porte de la musique électronique avec Four Tet : dès son deuxième album, il trouve ses marques et une signature : retrouver avec des samplers la profondeur et l'intensité mélodiques des instruments acoustiques (xylophones, guitares, pianos, percussions), puis les plonger dans des distorsions abstraites, des espaces-temps complexes qui leur procurent toute leur puissance d'évocation. Cela donnera deux disques magnifiques, Rounds et Pause, à l'écoute desquels les larmes montent régulièrement aux yeux. Sur Everything Ecstatic, dernier album en date, Four Tet s'aventure vers des territoires nouveaux : breakbeats nerveux évoquant parfois le hip-hop instrumental, références marquées à l'acid-jazz et même une très revigorante battucada synthétique, preuve que Hebden a les oreilles qui traînent dans tous les coins du monde. Pour sa première venue à Lyon, il sera accompagné d'une série de guests stars (un peu trop longue, comme d'habitude...), notamment d'un garçon très remarqué la saison dernière, Ramona Cordova, qui s'y connaît aussi pour nous raconter de jolies histoires musicales.

Four Tet
À Grnd Zéro, jeudi 14 décembre
Avec Ramona Cordova, Anni Rossi, I am a Grizzly et Thee Stranded horse


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