Les Infiltrés

de Martin Scorsese (ÉU, 2h30) avec Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Jack Nicholson...


Pour peu qu'on soit un minimum fan de Martin Scorsese, Les Infiltrés (hmmm, ce titre français...) procure tellement de plaisir qu'on aurait tendance à excuser ses défauts. La première scène, où la voix-off désabusée de Nicholson illustre des images de simili guérilla urbaine sur fond du Gimme Shelter des Stones, nous fait retrouver le cinéaste que l'on a tant aimé, le maestro des fresques criminelles incomparables. Cette intro nous livre tout ce qui fera sortir le film du jeu des comparaisons avec Infernal Affairs, le polar hong kongais qu'il remake : une mise en scène racée jouant à foison sur les doubles sens, des dialogues too much mais savoureux comme c'est plus permis (Martin tente une nouvelle fois de battre le record de "fuck" proférés dans un seul film), et surtout, surtout, un idée de casting monumentale. Sage idée d'avoir développé le personnage de caïd (en empruntant par ailleurs quelques idées à Infernal Affairs 2), trouvaille géniale de l'avoir confié au monstrueux Jack Nicholson. Sa performance habitée, en savante opposition avec celle de l'excellent Leonardo DiCaprio, fournit au film ses séquences les plus hargneuses. Mais ce duo mythique ne suffit pas à propulser Les Infiltrés dans la galaxie des chefs-d'œuvre impérissables. Le scénario, dont l'ambition louable est de dépasser le spleen jazzy d'Infernal Affairs pour en faire un pamphlet aux échos rock, souffre du syndrome de "qui trop embrasse mal étreint" : en voulant approfondir les psychés troublées des personnages, et les inscrire dans une relecture de l'histoire de la ville de Boston, le récit a tendance à perdre le spectateur dans les méandres de ses rebondissements capillotractés, hérités du long-métrage original. La trame principale s'emballe soudainement dans le dernier quart du film, réglant le sort de ses héros ambigus d'une façon pour le moins expéditive. Mais un Scorsese mineur reste tout de même un bon film... François Cau


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