United States of Borat

Critique / Un hurluberlu caricatural teste la patience de ses interlocuteurs, et finit par révéler leurs pires facettes. Artistiquement ? Le film le plus drôle de l'année. Politiquement ? Sacha Baron Cohen et Larry Charles explosent violemment les limites de la bienséance. François Cau


La sortie française du premier film de Sacha Baron Cohen, Ali G In Da House, a éclairé son auteur sous un jour biaisé. Cette pochade homérique se vouait à recréer, dans le cadre d'une fiction graveleuse, quelques-uns des meilleurs sketches de l'humoriste. Un succédané honorable mais trompeur quant à ses réels talents de comédien : les chanceux qui avaient pu voir des épisodes du Ali G Show savaient à quel point Sacha Baron Cohen excellait surtout dans l'art de piéger ses infortunés interviewés. Caché derrière le masque de ses personnages (Ali G, Borat et le reporter autrichien gay Bruno), il balançait les pires insanités avec une atroce candeur, en une succession de "faux-pas" déclenchant au pire une connivence effarante avec sa victime, au mieux des réponses "nuancées". À la base, le film Borat devait être réalisé par Todd Philips (Road Trip, Starsky & Hutch), et s'orientait vers une fiction basse du front. Quelques différends artistiques plus tard, et avec l'arrivée du rusé Larry Charles à la barre (voir ci-contre), le projet vire judicieusement au "documenteur". Soit un reporter dangereusement simplet, adepte du pied dans le plat et échappé d'un Kazakhstan appréhendé comme le trou du cul du monde "libre". En bon kamikaze socioculturel, notre Borat va semer la confusion dans les esprits des personnes qu'il croise, et pourchasser son propre rêve américain : épouser Pamela Anderson, de gré ou de force.Au pays de candideLe génie du film est d'avoir respecté le principe de caméra candide qui fit la prime renommée de Sacha Baron Cohen. Entre deux saynètes au naturalisme forcé (en unité formelle avec la mise en scène épurée des parties "reportage"), ses interactions avec l'Amérique d'en bas constituent l'essentiel d'un film où le meilleur et le pire ne font qu'un : Borat force jusqu'au point de non-retour le trait du décalage culturel et de la provocation censément involontaires. Le résultat ? Un carnage comique en bonne et due forme. La stricte continuité de ses attentats télévisuels, avec un projet cinématographique inédit. De façon lapidaire, on pourrait résumer le film comme la symbiose sulfureuse entre Michael Moore et Jackass, qui renverrait cependant les épanchements politiquement incorrects de ces deux référents dans les cordes. Pour stigmatiser les travers des personnes rencontrées, Borat se livre à un jeu de massacre rhétorique qui ne manquera pas de choquer les novices de son univers. En offrant un reflet ingénu de morale "décomplexée", Borat n'a pas besoin de pousser ses victimes dans leurs derniers retranchements. De fait, l'irruption de cet énergumène au beau milieu du conservatisme ambiant est la catharsis la plus ahurissante vue sur un écran depuis longtemps.Borat, leçons culturelles sur l'Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstande Larry Charles (ÉU, 1h30) avec Sacha Baron Cohen, Pamela Anderson...


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DJ MEHDI