Chemins de traverse

Musique / Un Américain trop tranquille et des Belges très fiévreux : Jude et Venus sont de sortie lyonnaise cette semaine pour deux concerts à suivre... Christophe Chabert


Guitares graissées, voix fébrile, violons crispés, compositions sur le fil du rasoir, production brute de décoffrage : la face cachée de Venus, groupe-phare de la brillante scène rock belge, ne le reste pas très longtemps. Sombre, inquiète, torturée, leur musique transpire le malaise par tous les pores. Marc A. Huyghens et ses acolytes avaient pourtant séduit à leurs débuts avec des morceaux pop efficaces, avant de tenter une aventure plus acoustique que l'on pensait temporaire, juste histoire de se démarquer de l'autre référence belge incontournable, dEUS. Ça se confirme : tandis que le groupe de Tom Barman dérive lentement vers un rock calibré pour radio rock pubère, Venus va à nouveau de l'avant, et choisit la voie d'un rock nettement plus couillu. Si The Red Room, leur dernier album, marque un nouveau tournant, il faut aussi admettre qu'il conserve ce qui a toujours fait leur renommée : un savoir-faire mélodique qui, même mis à nu et fondu au noir, garde toute sa puissance de séduction. Aujourd'hui, les Belges semblent avoir élu domicile en France ; hébergés par le label Tôt ou tard, ils ont participé à l'enregistrement du dernier album de Miossec, qui évoquait il y a peu sa volonté de faire la première partie du groupe lors de sa tournée française. Projet abandonné, semble-t-il...Jude, pas si obscurLe cas de Jude Cristodal, qui aime qu'on l'appelle par son simple prénom, est difficile à trancher. Sa bio nous certifie que dans son pays d'origine, l'Amérique, il est une sorte de superstar. Faudrait vérifier, parce qu'en France, pour l'instant, sa notoriété ne dépasse pas le champ de quelques initiés. Le garçon est aussi du genre pas facile à cerner, puisque chacun de ses albums vient contrarier le précédent. Ainsi, ceux qui avaient apprécié son talent de songwriter country-folk sur No one is beautiful, furent sans doute un peu désorientés par le bordélique King of yesterday, accouché dans la douleur suite aux nombreux désaccords avec la maison de disque. Son disque suivant, Sarah, modèle d'épure traversé par de puissants moments d'émotion (notamment le morceau d'ouverture, superbe liturgie amoureuse), est sa plus grande réussite à ce jour, et laissait penser que Jude avait finalement trouvé sa voie. Mais Redemption, son dernier-né, n'est pas vraiment du même acabit. On y trouve de belles choses, certes, mais exécutées avec gaucherie et timidité, qui plus est bardées de références assez encombrantes (parfois, on dirait des inédits des Beatles mal produits). Dans ses meilleurs moments, Jude se rapproche de l'insouciance légère de Josh Rouse ; dans les moins bons, c'est plutôt du côté des chanteurs pour filles en pamoison qu'il se classe, genre Tom MacRae ou Damien Rice. Il faut voir sur scène (et devant !) lequel de ces deux Jude perd la face, et lequel prend le dessus.JudeAu Ninkasi Kao, le 16 novembre«Redemption» (Naïve)VenusAu Ninkasi Kao, le 21 novembre«The Red Room» (Tôt ou tard)


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