Vue de l'intérieur


Danse / Drôle de zèbre ce Thierry Baë : quarante-cinq ans, le regard affolé d'inquiétude, et la voix étouffée par une maladie respiratoire. À un médecin qui lui demande ce qu'il fait dans la vie, il répond «danseur...», marque une pause, prenant conscience de ce que sa réponse peut avoir de totalement incongru face à son interlocuteur incrédule, ajoute alors : «…contemporain. Je suis danseur contemporain». Oui, Thierry Baë malgré son âge, sa santé défaillante et ses succès en dents de scie, est bien danseur et chorégraphe contemporain : il ne sait faire que cela, il ne peut pas s'arrêter... Sa dernière création, Journal d'inquiétude, est à la fois une mise en scène et une mise en rire de ses propres difficultés à danser, créer... La pièce en trois parties débute par un solo où Thierry Baë dit «en direct» les mouvements exécutés, tel un chorégraphe dirigeant un danseur au cours d'une répétition : «tu relâches les bras, tu reviens, là, oui... souris un petit peu...non pas comme ça, on reprend...». En plus de l'effet comique, la voix donne à voir chaque mouvement dans sa densité, elle attire l'attention sur sa difficulté, sa complexité, les différentes possibilités qui s'ouvrent à lui à chaque instant. Après cet étrange solo est projeté un vrai-faux documentaire sur le travail de Baë : sa recherche désespérée d'un programmateur, sa quête ubuesque d'un chorégraphe qui accepte de travailler pour lui, ses doutes, ses angoisses... Incarnant un personnage de loser burlesque, le chorégraphe s'y dévoile avec beaucoup d'humour. Pour clore le spectacle, un chorégraphe invité surprise (Mathilde Monnier, Mark Thomkins, Josef Nadj, Catherine Diverrès ou Bernardo Montet) interprète le solo de Thierry Baë... Le rire est ici à la fois la politesse du désespoir et de l'espoir. JEDThierry Baë, Journal d'inquiétudeÀ la Maison de la Danse, du 16 au 18 novembre


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