Couscoussière 4 étoiles


Portrait / C'est un mythe à Lyon. Depuis 1983 dans son camion, Mahmoud coupe, tranche, assaisonne pour faire, c'est ce que tout le monde s'accorde à dire, «les meilleurs casse-dalle de camion de la ville». Bonnet et pull en laine rayés assortis, il n'hésite pas à servir un peu de viande rôtie dans une serviette en papier pour que l'on vérifie sa réputation. On boit son café noir et dense comme du pétrole, exquis. «Il faut bien tenir». Les clients défilent, ils bavardent tous un peu, entre eux ou avec Mahmoud qui veut bien faire crédit sur une barquette de frites. Il a débarqué sur le port de Nîmes à quatorze ans pour être tourneur sur bois. Quelques années plus tard et bien des galères en chemin, il est obligé d'abandonner son métier pour travailler la nuit. D'abord installé à Gerland, il se déplace ensuite jusqu'au pont Wilson et arrive enfin là où devrait être inscrit en lettres de feu «La couscoussière, chez Mahmoud». Un groupe commande une multitude de sandwiches et autant de mélanges de sauces. Devant ses couteaux, il devient l'homme le plus rapide de l'Ouest. Tant mieux parce qu'il y en a un dans le lot qui a vraiment besoin d'éponger. Entre les courses chez Metro et l'éducation de ses enfants, on a bien dû passer une vie à parler. Et quand Mahmoud explique qu'il «travaille avec le cœur», on ne sait pas pourquoi mais ça sonne juste. Il se trouve là «autant que possible, tous les soirs». Les spots jaunes au dessus des canettes sont généralement allumés vers minuit et après six heures tout doit être clôt. Et quand est-ce qu'on souffle un peu, alors ? «Le jour où on s'allonge», paraît-il. Les bons mots et quelques rimes ouvrent la Saône à la poésie. Alors c'est vrai que, même si ça ne fera pas nos repas quotidiens, on ne verra plus l'escalope-frites de la même manière.Dalya Daoud


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ADRIEN, DIRECTEUR DU MEDLEY