Trouver le Point G

J'ai testé pour vous / Les boîtes à cul, c'est comment ? Pour répondre à cette question essentielle à l'approche de nos trente ans, nous avons décidé d'aller voir de nos propres yeux. Et de vous raconter cette «folle» soirée, en détail. Dorotée Aznar


I REGRETTER SES CHOIXEt si on testait les boîtes à cul ? Sur le papier, ça nous avait fait beaucoup rire. Oui, mais. Huit jours plus tard, un jeudi soir, il pleut, on sort du bureau. On sait que l'on va devoir y aller et ça nous fait plus rire du tout. La première étape est donc de trouver des compagnons de galère. Phase 1 : réunir des amis autour de quelques bouteilles de mauvais vin. Phase 2, il est 21h30, il n'y a plus de vin et il faut désormais persuader cinq personnes de nous accompagner. Phase 3, c'était prévisible : personne n'est ivre, personne ne veut venir. Impossible de se résoudre à partir seule, je me mets au chantage affectif. Et je sors la vodka du congélo. Ça marche, quatre acceptent. Seule Clara décide de mettre en place un chantage odieux : elle ne viendra que si je lui prête mes vêtements. À contrecoeur, je cède. Nous sommes désormais six, trois "couples modèle", à ne pas y regarder de trop près. II TROUVER UN LIEUBertrand est à fond. Il épluche le Petit Paumé et pianote frénétiquement «cul, boîtes à cul, boîtes échangistes sur google». Des dizaines de fenêtres s'ouvrent. Mon ordi est vérolé. Bertrand est tout ému par une boîte qui vante les mérites de ses glory holes. Je mets mon véto et passe à la phase téléphonique. Le Why not, dans le 7e. Entrée 30 euros par couple avec consos. Mouais. Suivant : Le Point G «spécialisé dans les jeunes couples ». Ça tombe bien... Au téléphone, un patron charmant me répond. «Trois couples ? Pas de problème, quel dommage que vous ne soyez pas venus avant. Le jeudi, c'est la soirée buffet». Détails matériels obligent : «L'entrée, c'est 30 euros par couple et open bar». Vendu, nous partons en quête du point G.III TÊTE DANS LE CUL ET BRAS CASSÉSDevant la station de taxis, répartition des troupes. Quatre dans un taxi, deux dans l'autre, on se retrouve devant le Point G. Petit détail : c'est où au fait ? Je constate que j'ai oublié le Petit Paumé. Bertrand lance sur un ton très assuré : «C'est au 22, rue du Bourbonnais». Quinze minutes plus tard, nous sommes devant le 22. Évidemment, ce n'est pas du tout là. La pluie choisit ce moment pour redoubler d'intensité. On s'abrite devant une boutique qui vante les mérites des énergies renouvelables. Désoeuvrés, on tente un appel au 118 218, «non non rien, ni dans clubs, ni dans boîtes échangistes». Même réponse au 118 712. Le Point G n'existe pas. Vingt minutes plus tard, on ressemble à six chiens mouillés errants mais Maria a trouvé le numéro : c'est au 78. Enfin, c'était. Parce que maintenant, c'est un garage Opel. On cherche, en traversant des flaques d'eau qui ressemblent à des lacs. Du fond d'un hangar, une musique s'élève. C'est le Jerk. On a (re)trouvé le point G...IV LE TOUT, C'EST D'ENTREROn arrive devant la porte. On nous z'yeute, on nous scrute, c'est fatal, j'aurais pas dû opter pour le jean-col roulé. On entame une discussion : «c'est-à-dire que vous êtes tout de même un peu trop vêtues mesdemoiselles, vous risquez de vous sentir un peu décalées». La jeune femme qui se charge du vestiaire donne le ton. Robe dont la longueur n'autorise sans doute pas à parler de robe. On échange des sourires et des prénoms. À la surprise générale, la porte du hangar s'ouvre.V L'IMPORTANT, C'EST PAS LA CHUTEUne dizaine de paires d'yeux se posent sur nous. «Décalés» est bien le mot. Voiles rouges tendus, barres pour danser, femmes en sous-vêtements (ou moins). Tout le monde ne nous a pas encore remarqué : sur un petit podium, une femme en porte-jarretelles blancs semble avoir égaré un document dans le string en vinyle d'une autre femme et se met en quête de le retrouver. Je m'accoude au bar. Le patron décide de garder les ovnis sous contrôle. Deux personnes sont chargées de ne pas nous lâcher du regard. Les dix premières minutes sont interminables. Bertrand s'étonne : «les boîtes à cul gay, c'est quand même autre chose». Quant à moi, j'évite de regarder dans les coins en tentant de battre un record du monde : boire des coupes de champ' moins de trois secondes.VI RÈGLES D'USAGELa musique nous sauve. Nous nous trémoussons sur la piste au milieu des filles à moitié à poil et de mecs qui n'ont même pas des têtes de pervers. Pendant que Pierre nous lance des regards de détresse depuis le bar ou il est vissé depuis quelques temps déjà, une jeune femme en string invite Bertand à grimper sur la barre. Je crois qu'il a oublié qu'il est gay. Je me mets en devoir de le lui rappeler. Pendant qu'un couple décide d'aller tester la mezzanine (apparemment rien ou presque ne se passera sur la piste pendant notre séjour dans les lieux), je décide de sortir les yeux de ma poche et de comprendre le fonctionnement du lieu. Les couples ont une petite quarantaine d'années, roulent en Scenic (ou apparenté) et sont de toute évidence des habitués. Les femmes sont «bisexuelles à 75 %, mais pas les hommes», explique le patron des lieux. Seules les femmes se déshabillent, mais ce sont pourtant elles qui décident : elles invitent les hommes à danser, les raccompagnent à leur siège et choisissent qui leur touche les fesses. Faute à notre présence peut-être, l'ambiance est plutôt bon enfant et pas franchement excitante. J'interroge les mâles qui m'accompagnent. Le verdict est sans appel. Pas plus d'érotisme ici que dans un cabinet dentaire. Nous continuons à boire.VII COMME UN POISSON DANS L'EAUTrois heures plus tard, plus personne ne fait attention aux filles nues, le Point G est devenu une boîte années 80 : une sorte de Medley de la grande époque. Comme la règle l'exige, aucun homme ne s'est approché de nous, n'y étant pas invité. 2h30, nous regagnons la sortie, raccompagnés par nos hôtes. On se dit au revoir et à bientôt. Six heures plus tard, je pousse la porte du bureau. Dans la poche de mon jean une petite carte «Eros, produits coquins». Bertrand m'attend déjà, tout sourire : «Ce soir, on va au Move ?». "Pas sûr, Bertrand, pas sûr".On n'a pas (encore) testé pour vous :Le Vertige5 rue du Griffon, Lyon 1erLe Bambou Club50 rue St Georges, Lyon 5eLe Why Not Club313 rue Duguesclin, Lyon 7eLe Move32 quai d'Arloing, Lyon 9e


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