«En Afrique, le cinéma reste un luxe»

Commentaire / Rencontre avec Emmanuelle Bureau, programmatrice du festival Caravane des Cinémas d'Afrique à Sainte-Foy-lès-Lyon, autour de la situation du cinéma africain contemporain. Propos recueillis par CC


Combien y a-t-il de films produits en Afrique chaque année ?Emmanuelle Bureau : Ça dépend si on compte l'Afrique du Sud et le Maghreb… Si on ne les compte pas, il doit y en avoir 15 ou 16. De toute façon, on ne peut parler que des cinémas africains, avec des économies différentes, et à l'heure actuelle, celui qui s'exporte, c'est celui d'Afrique du Sud, dont les films sont construits sur le modèle économique américain, ou anglo-saxon.Qu'est-ce qui empêche ces cinémas de se développer ?L'absence de salles pour projeter les films. Dans les années 90, la francophonie a permis la réalisation des grands films d'Afrique de l'Ouest, pas toujours faits pour les Africains. Il y a eu une dérive : des films avec un sujet exotique, faits pour être projetés dans les festivals et bien faire rêver les gens, mais qui n'avaient pas beaucoup de place dans la vie des Africains. Le cinéma qui reste aujourd'hui est celui qui peut vivre sur le continent, mais comme Sissako le dit, les États africains ne s'engagent pas dans la culture. En même temps, dans des logiques de survie, le cinéma reste un luxe.En France, la télévision est le grand créancier du cinéma. En Afrique, assiste-t-on à un phénomène du même genre ?Le cinéma du Nigéria fonctionne comme ça. Ils font des telenovelas à l'africaine qu'ils exploitent ensuite en vidéo. C'est une alternative mais il faut voir le niveau cinématographique de cette industrie. Je commence à voir des films que l'on pourrait montrer en France, mais on reste dans le B.A.Ba en matière de psychologie… Sinon, le numérique attire beaucoup les cinéastes africains : tu peux faire des petits films pas chers, avec néanmoins une production derrière.


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Afrique : non coupable !