Au chœur de Wagner

Entretien / Lohengrin signe le grand retour de Wagner à l'Opéra de Lyon. Serge Dorny, son Directeur général revient sur cet événement. Propos recueillis par Dorotée Aznar


Pourquoi avez-vous choisi de faire monter Wagner ?Serge Dorny : Wagner est un compositeur unique, son œuvre est monumentale. Le produire, c'est comme goûter à un nectar fabuleux. Comme tous les plaisirs rares, pour pouvoir pleinement en jouir, il faut savoir l'attendre. Wagner a toujours été persuadé qu'il allait écraser tout ce qui avait existé et tout ce qui existerait. Force est de constater que ses œuvres n'ont cessé de poser question et de fasciner.Lohengrin occupe une place particulière dans l'œuvre...Toutes les œuvres de Wagner sont autobiographiques. Wagner est un géant ; le personnage romantique typique, tourmenté, égocentrique, révolutionnaire. Il est dans une recherche de l'amour parfait et cette quête sera présente tout au long de sa vie. Lohengrin est une œuvre charnière car toutes les ambitions de Wagner s'y trouvent déjà. C'est comme une longue ligne qui ne s'arrête jamais. Même si on parle «d'opéra historique en trois actes», il s'agit plutôt d'une longue courbe, d'un drame musical. L'orchestre n'accompagne pas seulement, c'est un protagoniste. La musique correspond à tout ce que le chanteur ne peut exprimer en paroles... Pour résumer, on pourrait dire que Lohengrin, c'est la recherche éperdue d'un amour absolu. Pour moi, c'est l'œuvre avec laquelle on doit commencer, d'autant plus que Wagner a été absent de l'Opéra de Lyon pendant presque seize ans. Justement, pourquoi avoir écarté ce répertoire pendant aussi longtemps ?Il y a des contraintes physiques d'une part, comme la taille de la fosse d'orchestre qui pose d'emblée des limites. D'autre part, il ne faut pas oublier les spécificités artistiques de l'Opéra de Lyon. Ce lieu a été pensé pour accueillir 65 musiciens au maximum. L'orchestre wagnérien nécessite un effectif beaucoup plus important. C'est pareil pour le chœur. Les masses artistiques ne se prêtent pas naturellement à Wagner. Comment avez-vous pu contourner ces obstacles ?On a investi, dégagé des moyens. Lohengrin est une coproduction ; seule une union de moyens permet à de tels projets d'exister. Ensuite, il fallait trouver une équipe qui maîtrise parfaitement cette architecture. Nikolaus Lehnhoff, le metteur en scène, est un homme qui a grandi avec l'œuvre de Wagner et la comprend, comme peu de gens. Parlez-nous de la mise en scène...Lehnhoff est comme un maître de cérémonie. Il n'a pas une équipe pour l'ensemble de son œuvre mais une équipe pour chacune de ses créations. Les décors ont été créés par Stephan Braunfels, l'architecte qui a réalisé, notamment, le musée d'Art moderne de Munich. Quand on voit ce décor, cela coupe le souffle. Seul un grand dramaturge peut à ce point sentir la «transférabilité» des arts. Toute l'équipe est fabuleuse. L'éclairage de Duane Schuler est totalement incroyable. Enfin, Lothar Koenigs, le chef d'orchestre, est en mesure de gérer une architecture de cette ampleur. Il soutient les chanteurs, parvient à construire et à maintenir la tension sur toute la durée. C'est un plasticien en ce sens.Lohengrin de Richard WagnerÀ l'Opéra de LyonJusqu'au 29 octobre


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