En grandes surfaces


Expo / Surfaces sous tension, comme l'indique le titre de l'exposition, les photographies de Katharina Bosse (née en 1968 en Finlande) sont aussi des surfaces étranges, indéterminables, ambiguës. Le vide et l'ambivalence qu'elles ménagent permettent au spectateur d'y projeter toutes sortes de fantasmes et de fictions. C'est tout particulièrement le cas avec une série d'intérieurs vides saisis en grands formats couleurs : la petite salle de classe avec un tableau à l'ancienne, la chambre au vieux cheval de bois, le boudoir qui attend sa philosophie, et la salle d'opération baignant dans une atmosphère bleutée sont en réalité autant de lieux destinés aux jeux érotiques que l'on peut louer aux Etats-Unis pour cent dollars de l'heure. Ces espaces apparaissent aussi vides et effrayants qu'un peu tartes et kitch. Espaces indécidables donc, tout comme le sont les portraits que l'artiste présente parallèlement. Des portraits surexposés d'hommes ou de femmes qui se montrent dans des tenues excentriques et des lieux qui ne le sont pas moins (toits d'immeubles, intérieur saturé de laine verte...). Ces images sont à la fois équivoques (le genre et la sexualité des personnages notamment), grotesques, parodiques, étranges, voire un brin mélancoliques. Il y a trop de lumière, trop d'incongru, trop d'extravagance pour que tout cela soit vrai, mais d'autres menus détails et une sorte de repli des personnages sur eux-mêmes semblent suggérer que ceux-ci délivrent quand même ici un peu d'eux-mêmes, se révèlent tacitement ou obliquement à la surface lisse des choses... Katarina Bosse intrigue et ébranle ainsi le regard avec ses surfaces sous tension où le réel hésite à s'y dissoudre ou à y refaire, justement, surface. Jean-Emmanuel Denave


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Mais qui veut tuer le Bistroy ?