Dans de beaux draps


Expo / La galerie Le Réverbère expose pour ses 25 ans des images inédites ou récentes de ses 20 photographes. Parmi elles : un grand format de Julien Guinand (né à Lyon en 1975) représentant un étendage à linge dans une cour aveugle surmontée d'une mousse sombre et verdâtre d'épineux. Comme souvent chez Julien Guinand, l'espace et le temps semblent suspendus (c'est le cas de le dire), épais, lourds de sensations possibles : stase des choses et du regard. Si Gombrowicz a réussi à construire tout un récit fantastique à partir d'un simple chiffon tremblotant sur lui-même au fond d'un grenier (Les Envoûtés), Guinand parvient avec ses napperons et ses draps alignés à créer tout un bloc de sensations et d'idées formelles. On peut ainsi y voir une sorte d'affrontement entre la géométrie et l'inconscient, le clair et l'obscur, l'apparition et la morsure des ténèbres. Et comment ne pas penser aussi, devant cette image, à des épreuves photographiques séchant dans un laboratoire, traversant la nuit pour naître à la lumière et menacées d'y retourner ? Les draps blancs sont autant d'images vierges, de surfaces immaculées où peuvent virtuellement se projeter toutes les images de la mélancolie et toutes les empreintes des corps. Féru d'abstraction fêlée de poésie improvisée, Julien Guinand condense dans cette image ce que nous aimons en art : un travail sur la forme qui ne renie pas pour autant l'affect. Cette réflexion sensible et poétique sur le cadre, l'écran et la surface de représentation est d'ailleurs très présente chez beaucoup d'autres photographes exposés au Réverbère : Denis Roche (le maître du genre), François Deladerrière, Beatrix von Conta, Pierre Canaguier, Serge Clément... Et jusqu'à Alain Fleischer, même si chez ce dernier le drap est toujours déjà souillé, et l'image qui sort du bain, toujours potentiellement celle d'une fille lubrique écartant les jambes. Jean-Emmanuel Denave25 ans, noces d'argentAu Réverbère jusqu'au 25 novembre.Julien Guinand expose également au Rectangle jusqu'au 4 novembre.


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Deschiens et chats écrasés