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Musique / Guitares vrombissantes pour rock atmosphérique ; électro organique et hautement conceptuelle : avec Mogwai et Matmos, les musiques populaires affichent leur ambition. Christophe Chabert


Mogwai, Écossais de Glasgow, et Matmos, Américains de San Francisco, ont un point commun surprenant : leur musique est, chose rare en matière de "pop music", rentrée au Musée. Dans le cas de Matmos, leurs œuvres conceptuelles (un disque entièrement composé avec des bruits d'instruments chirurgicaux, un autre mélangeant musique médiévale anglaise et musique traditionnelle de l'Amérique sécessionniste...) a tout de suite suscité l'intérêt des conservateurs de musée, de Los Angeles à New-York. Pour Mogwai, c'est grâce à la partition originale composée pour le film sur Zidane, dont la postérité comme installation vidéo est maintenant assurée, que leur musique se fraye un chemin dans les temples de l'art contemporain.Violence et passionContemporain, le mot n'est pas trop fort pour qualifier ces deux groupes singuliers. Pour Mogwai, les choses n'étaient pas gagnées : éclos dans l'éphémère effervescence du "post-rock" des années 90 (dont ils se démarquaient par la violence de leurs compositions, dont ils se rapprochaient par leur prédilection pour les instrumentaux abstraits), les Écossais ont tenu le cap là où beaucoup ont disparu dans les limbes. Et au rythme d'un album par an, ils ont su élargir leur audience. Certes, on va mégoter : ni Happy music for happy people, ni leur récent Mr Beast n'apportent quelque chose à leurs précédents sommets (CODY dans un registre énervé aux guitares fracassantes, Rock Action sur un versant plus calme). Ils se contentent de redoubler ce que l'on a toujours aimé chez eux, l'incroyable facilité avec laquelle ils créent par leurs guitares enragées des paysages dans lesquelles on s'engouffre avec plaisir et frissons. Stratégie payante : l'exigeant Michael Mann a accueilli deux morceaux de Mr Beast sur la bande originale de son blockbuster expérimental Miami Vice. À l'inverse, il semble que chaque album de Matmos soit conçu par ce duo gay mais pas forcément festif comme un nouveau défi. Leur dernier disque, A rose has teeth in the mouth of the beast est une ambitieuse suite d'hommages à leur panthéon personnel, allant du philosophe Wittgenstein au pionnier disco-house Larry Levan en passant par l'agité féministe Valérie Solanas. Chaque morceau est composé à partir d'une panoplie d'objets, de rythmes et de mots évoquant pour les auteurs le souvenir de leur "héros". De ce bric-à-brac sonore, Matmos tire une miraculeuse harmonie : on s'attendait à un album difficile, radical, brouillon, et pourtant jamais leur électro organique et "concrète" n'a paru si facile d'accès, dansante, parfois même pop ; exigeante et passionnée, mais jamais hermétique. Reste à savoir comment Mogwai, qui aime les décibels, s'adaptera au très calme Radiant de Caluire, et Matmos, très propre sur lui, se pliera au cadre roots du Rail Théâtre. L'inverse paraissait plus logique, mais pour ces groupes inclassables, des concerts improbables sont la moindre des choses.MatmosAttention ! Le concert de Matmos prévu au Rail Théâtre le jeudi 28 septembre a finalement été annulé…MogwaiAu Radiant le mercredi 4 octobre


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Marie, pleine de grâce