Corps sous toiles ou poils


Expo / Sobres, rigoureuses, frontales et, pour ainsi dire, méditatives (le sens et l'émotion se dévoilant par strates lentes et successives), les images de Carole Fékété pourraient être situées à la croisée de la photographie pure d'Edward Weston et de la sculpture minimaliste. Née en 1970 à Alger, l'artiste égrène depuis la fin des années 1990 d'intrigantes séries photographiques : torchons de couleurs tendus comme des toiles picturales abstraites, "portraits" de poissons séchés, miniatures d'éléments de dînette... À la BF15, elle présente deux autres séries grand format se faisant écho. Plusieurs images de statues, d'abord, recouvertes chacune d'une bâche de plastique verdâtre pour les protéger des intempéries dans les jardins du Château de Versailles. Présences muettes, absurdes et inquiétantes, qui se détachent sur un fond uni de branchages : on y verra à l'envi des cadavres dans des sacs funéraires, des enfants se recouvrant d'un drap pour jouer au fantôme, des corps entravés qui se débattent... Le rapport physique à ces images, gardant jalousement le secret de leur signification, est à la fois sourd et puissant. Il résonne avec la seconde série d'images à l'étage : quatre "portraits" d'un singe derrière une vitre de plexiglas. Un singe ou un homme ? Telle est la question, tant ce gibbon est expressif, toujours saisi en station debout, et comme recouvert d'une cagoule de poils beiges. Quatre images pour quatre affects de singe au sein de ce qui pourrait être un petit théâtre primitif : le singe bouffon, le singe agressif, le singe triste, le singe oppressé. Là encore, le rapport physique à l'animal et à l'image est saisissant. Troublant aussi : avec ce corps à la fois proche et lointain, vif et contraint, terriblement présent au sein d'un espace totalement abstrait. Jean-Emmanuel DenaveCarole Fékété À la BF15 Jusqu'au 10 novembre.


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