Le putsch des généraux

La saison des concerts tarde un peu à démarrer. Qu'à cela ne tienne, la Fédération Nationale d'Achat des Cadres nous offre cette semaine deux mises en bouche de choix : Joan as police woman et Peter von Poehl. Emmanuel Alarco


En plus d'être réunis par un hasard de calendrier, Joan as police woman et Peter von Poehl possèdent plus d'un point commun. Outre des physiques plutôt avantageux, les deux multi-instrumentistes ont enfanté cette année leurs premiers albums respectifs, sur le tard - 36 ans pour mademoiselle, 33 pour monsieur -, après avoir passé de nombreuses années dans l'ombre des autres. Pour le jeune Peter qui rencontre Bertrand Burgalat en arrivant à Paris en 1998, ce sera la famille Tricatel : Burgalat himself, Houellebecq, Chamfort, puis Lio ou aujourd'hui Delerm. S'il témoigne de l'immense savoir-faire de notre homme en matière d'arrangements ultra raffinés et de constructions de morceaux inattendus, Going where the tea trees are, son premier long format sorti au printemps, est victime de la malédiction du premier morceau. Celle qui veut qu'un album s'ouvrant sur une perle absolue passe ensuite le plus clair de son temps à courir après cette grâce originelle... pour ne jamais la retrouver vraiment. Going where the tea trees are, la chanson, est en effet une petite merveille, tout en retenue, en roulements de batteries feutrés, basse étouffée et strates de claviers célestes, où flotte la voix délicatement plaintive de von Poehl, avant un finale renversant, caressé par le souffle d'un saxophone digne d'un film de Vincent Gallo. Entre une utilisation remarquable des cuivres et des bois comme tapis harmonique, quelques architectures improbables que ne renieraient pas les Beach Boys ou d'autres escapades légères vers un folk très anglais, la suite est de très haute tenue et à bien y repenser, on se demande encore pourquoi, alors que tous les ingrédients sont là, elle peine un peu à nous passionner...22 v'là JoanCôté carnet d'adresses, Joan Wasser n'a rien à envier au gars Peter, au contraire. Fichée comme la "veuve" de Jeff Buckley, l'Américaine a promené violon, piano, guitare ou basse chez pas mal de gens plutôt fréquentables : Nick Cave, Lou Reed, Rufus Wainwright, Antony and the Johnsons... Comme un symbole, les plus belles plages de son premier album, Real life, sont celles où la belle se paie des sidemen de luxe : l'extra-terrestre Antony sur un duo vibrant et surtout Joseph Arthur sur les trois sommets du disque. Le "tube" Eternal flame, Feed the light, jolie fantaisie en apesanteur au finale violoneux collant des frissons façon Andrew Bird et un Christobel tendu, pris dans la tourmente d'harmonies vocales démentes - comme les aimait Bowie à Berlin - et de violons distordus jouissifs. Le reste déroule tranquillement ses ballades aux lointains accents soul, sans forcément casser des briques mais, comme chez von Poehl, non sans une certaine élégance cuivrée. La classe des seconds couteaux. Peter von PoehlVendredi 15 septembre à 17h30Joan as police womanMardi 19 septembre à 17h30À la Fnac Bellecour


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