Très haut Connor


Biennale / Double coup d'éclat du Ballet de l'Opéra de Lyon sous la férule de deux chorégraphes invités : le français Rachid Oumradane et l'ovni américain Tere O'Connor. Pour créer Superstars, Oumradane est parti de sa rencontre avec sept danseurs, individualités de chair et d'os. Sur scène, au sein d'un grand cube blanc immaculé (un "white cube" diraient les plasticiens) et parmi les riffs saturés ou caressants d'une guitare électrique, chacun évoquera son passé, quelques souvenirs, ses petites ou grandes blessures, l'étoffe trouée de sa mémoire : par sa parole sous forme de voix off préenregistrée, et surtout par son corps en mouvement dans de très beaux solos. Une danse toujours introspective, mais variant, selon les cas, en introspections douces et éthérées, âpres et douloureuses, disciplinées et virtuoses, vives et révoltées... Cette succession d'intimités dévoilées, servie par une mise en scène très plasticienne, s'avère très élégante et émouvante... Rien de léché ni d'arty en revanche chez ce bougre d'O'Connor. Bien au contraire : une grande tenture bleu terne en fond de scène et vingt danseurs aux costumes pastels délavés plantés en rangs d'oignons sur le plateau. Mais quelle liberté et quel génial fouillis ensuite ! Le mouvement ici est à la danse ce que le free est au jazz : une suite inénarrable de boutures surréalistes, d'enchaînements n'ayant pour seuls mots de désordre que la poésie et l'incongru. Avec de la transe, du classique, de la gestuelle quotidienne, des apartés humoristiques, des fureurs et des tremblements. Idées, images et gestes s'associent insensés, dissonants, éclatés, joyeux. Like two Kevins (titre aussi surréaliste que le reste) est une rhapsodie d'instants insoupçonnables, où l'individualité est ensemencée par la folie du groupe et vice-versa. Un pur moment de bonheur et de jubilation chorégraphique ! Jean-Emmanuel DenaveTere O'Connor et Rachid Ouramdane Jusqu'au 15 septembreÀ l'Opéra de Lyon


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Le putsch des généraux