En scène !

Théâtre / Quand tout va mieux, qu'est-ce que l'on peut bien faire pour s'occuper ? Râler en anticipant l'arrivée tant redoutée du consensus mou, de l'acquiescement général et de l'ennui global. Le théâtre aurait-il profité de l'été pour s'apaiser ? Dorotée Aznar


À première vue, tout va mieux. Selon les premiers chiffres qui nous sont parvenus, le moral des directeurs de théâtre lyonnais serait à la hausse. Les Célestins ont affiché, la saison passée, un taux de remplissage de 90%, le théâtre de la Croix-Rousse annonce des dates à guichet fermé sur presque tous les spectacles... Le théâtre ne serait donc pas devenu une discipline pour "happy few" comme on veut bien le décrier dès que l'occasion se présente (même si la diversité sociologique des spectateurs n'est pas au rendez-vous). Les théâtres draguent désormais ostensiblement les moins de 26 ans et la plupart propose des tarifs défiant toute concurrence (aller voir une pièce peut coûter moins cher à Lyon que de s'offrir un ticket de ciné...) afin de s'assurer un renouvellement générationnel des spectateurs, quelque peu vieillissants dans certaines salles. Au rayon des bonnes nouvelles toujours, les "petites salles" des "grands théâtres" (le Studio à la Croix-Rousse, la salle Célestine... aux Célestins) remplissent bien leur rôle et servent à la fois de tremplin aux petits jeunes (voir Vincent Roumagnac qui passe d'une petite salle à une grande jauge en un an à la Croix-Rousse) et ont permis du même coup, un enrichissement considérable des programmations, du point de vue de la diversité des spectacles proposés. Consensus mou ?Attaquons-nous aux jolies plaquettes colorées qui ont récemment débarqué dans nos boîtes aux lettres. Les programmes annuels n'ont rien à envier à la saison dernière : tout bonnement colossaux. À tel point qu'à l'exclusion de certains théâtreS, comme celui de la Renaissance à Oullins, qui confirme avec bonheur son choix du théâtre musical ou le TNP qui prend cette saison sa mission de service public très au sérieux avec un nombre important de grands textes classiques, les autres structures font le choix du patchwork et du "théâtre de la diversité". Choix décomplexé et pas vraiment débattu, il flotte dans l'air une certaine mollesse que n'a pas démenti une édition 2006 alanguie du festival d'Avignon, un sentiment d'approbation générale de ce qui hier encore suscitait l'indignation outrée du microcosme culturel (la performance sans parole, le théâtre sans texte, le mélange des genres). Le "transgenre" fait cette saison l'unanimité et chaque structure s'y colle : théâtre, poésie, photographie, cirque, musique, danse, magie, vidéo... Sur ce créneau, les salles de l'agglomération ne sont d'ailleurs pas les dernières à montrer l'exemple, refusant pour la plupart de cloisonner les disciplines (Le Toboggan à Décines, le Théâtre de Vénissieux, le Centre culturel Théo Argence à Saint-Priest...). N'y voyons pas forcement les prémices d'une dépression et tentons plutôt d'envisager cette harmonie comme autant de signes que le spectacle vivant n'a pas l'obligation d'entrer à tout prix dans de petites cases étriquées. Comme autant de signes que le public, à qui l'on colle des desiderata et des goûts fantasmés n'attend sans doute qu'une chose : de bons spectacles.


<< article précédent
Steve tout puissant