Dessins réanimés

Expo / Le jeune Marko Velk remue la nuit des images du passé pour redessiner des émotions nouvelles. Des œuvres souvent noires, toujours fortes. Jean-Emmanuel Denave


Indifférent aux modes de l'art contemporain, Marko Velk dessine en noir et blanc, au fusain et pastel sec. Né en 1969 à Split (Croatie), diplômé de l'École des Arts Décoratifs à Paris, il fait partie d'une famille d'artistes prestigieux : son père est le célèbre peintre Vladimir Velickovic, et son frère aîné l'artiste Vuk Vidor. Marko Velk dessine, mais s'autorise aussi quelques libertés et chemins de traverses avec ses collages réalisés à partir de fragments de dessins "ratés", de chutes et de bribes de papier. Ce sont ces œuvres aux dimensions imposantes que l'on découvre d'emblée dans la première salle de la galerie. Avec, d'abord, un ensemble de collages à caractère surréaliste où, au milieu de paysages arides, des anges croisent sens dessus dessous des individus en armes, de vagues silhouettes, des guérilleros mexicains à cheval, des animaux sinistres... Ces œuvres nous rappellent certaines pages d'Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry, où les paysages abrupts, les morsures du soleil, les personnages, les chevaux d'apocalypse et les symboles bibliques s'entremêlent dans une grandiose vision de mescal. Dans une autre série de collages, l'artiste a composé d'inquiétants portraits en pied de créatures mi-hommes mi-bêtes, mi-vivantes mi-mortes : peut-être des autoportraits comme semble l'indiquer le titre de la série, Je deviens ce que j'observe ?PalimpsestesS'il devient ce qu'il observe, Marko Velk dessine aussi à partir de ce qu'il a observé, des innombrables images vues pendant l'enfance (dans la demeure familiale, les musées et les églises), de tout un fond nocturne de représentations inconscientes. Dans la seconde salle, on découvre ainsi, impressionnés et remués, plusieurs dessins évoquant des scènes religieuses. Des madones, des anges, des Christ évanescents, fragmentaires, flottant entre présence et absence, se délitant et laissant transparaître d'autres formes ou sourdre d'autres présences. Figures indécises comme échappées d'un rêve, d'un cauchemar, d'un regard halluciné sur les images du passé. "Je prends pour prétexte des détails d'images religieuses dont j'essaye d'extraire autre chose... Ma préoccupation est de provoquer des émotions nouvelles qui vont au-delà du sujet représenté", confie l'artiste. Émotions pour le moins fortes et plutôt noires, mélancoliques, angoissantes. Tout comme celles éprouvées devant une dernière série de portraits, Absence(s) : des visages aux yeux clos et aux formes floues, des visages rongés par le temps et affleurant sur le papier comme autant d'énigmes troubles et silencieuses.Marko Velk Jusqu'au 23 juin.À la Galerie Confluence(s) à l'IUFM


<< article précédent
Coquille vide