Fontaine de jouvence

Rock / Groupe culte de la fin des années 80 en Angleterre, The Wedding Present a été ramené à la vie par son créateur en 2004. Vingt ans après, la même fougue juvénile anime des histoires d'amour toujours aussi chaotiques... et bouleversantes. Emmanuel Alarco


Le rock conserve. Pas question de s'emballer ici sur les performances sautillantes d'un papy Jagger piloté par ordinateur, mais plutôt de se réjouir du fait qu'un type qui racontait déjà ses histoires de nana à 25 ans puisse les mettre en musique avec autant de panache vingt ans plus tard. Un vécu et un regard sensiblement différents, bien entendu. Ce type, c'est David Gedge, créateur en 1985 d'une formidable machine à tubes rock basée à Leeds : The Wedding Present. Après avoir brillé pendant près de 12 ans - surtout sur courtes distances, un peu moins sur album - et changé au passage l'intégralité de son line up à l'exception de son leader, le groupe se sépare définitivement en 1997. Gedge ne se laisse pas abattre et s'embarque alors dans un projet baptisé Cinerama, épaulé par sa compagne Sally Murrell. Et c'est là que tout bascule. Enfin quelques années plus tard, lorsque cette histoire d'amour fondatrice rend l'âme au seuil de sa majorité, à l'aube de ses 18 ans.Cadeau de ruptureLa vertu première du rock - et de l'art en général - étant de changer la merde en or, Gedge perd sa muse, mais ne perd pas le Nord et décide de ramener le Wedding Present à la vie. Comme si, retrouvant son âme en peine de jeune homme, il voulait aussi retrouver ses habits de l'époque, les plus à même de rendre grâce à sa poésie du lien défait. Sur les onze morceaux de Take fountain, l'album de la reformation - sans aucun autre membre originel, mais bon... -, neuf parlent de rupture, d'histoires tuées dans l'œuf, d'ex envahissants ou impossibles à oublier. Déroutes en tout genre que le maître des lieux narre avec des mots simples, limite simplistes, et pourtant sublimes. Par leur justesse désarmante et surtout, par le couple harmonieux (pour le coup !) qu'ils forment avec la musique. Derrière, ça joue sobre, un rock ample et efficace, sans fioritures, illuminé par quelques jolies envolées mélodiques et un ou deux dénouements instrumentaux de grande classe, une touche de cordes et un soupçon de cuivres à l'appui. Et les deux morceaux restants, direz-vous. Les deux derniers. Queen Anne et Perfect Blue, tout aussi remarquables, où notre héros, après avoir pleuré tout son saoul, finit par faire une rencontre inattendue, inespérée et totalement renversante. "You're the first thing in my head each morning", on espère simplement qu'il reste un peu de place dans sa tête pour écrire encore quelques chansons de cette trempe-là, car amoureux ou éconduit, David Gedge est un merveilleux conteur de cœurs en ébullition.The Wedding PresentAu Ninkasi KaoJeudi 18 mai à 20h


<< article précédent
L'homme de l'ombre