Francofolk

Chanson / Nouvelle voix singulière de la chanson française nourrie à l'Amérique et à ses grands espaces, Cyrz défend son premier album seul sur scène. À l'affiche du festival Exode urbain. Emmanuel Alarco


La première fois que l'on a croisé Cyrz, sur la scène de la salle Rameau, le jeune homme avait la lourde tâche d'ouvrir la soirée pour Dionysos, qui, à l'époque (2003), proposait une relecture acoustique de ses redoutables machines de guerre rock. Avec la belle assurance des timides qui se soignent, soutenu par une simple guitare et un harmonica, cet inconnu, encore loin des maisons de disques, avait démontré ce soir-là qu'il appartenait au cercle très fermé de ceux qui ont tout compris à la scène. Ces artistes rares qui, un trait d'humour bien senti par ci, un regard narquois par là, sont capables de tenir n'importe quelle salle à bout de notes. Pourtant, en discutant avec Cyrille (Paraire de son nom), on apprend qu'il ne s'agissait alors que de son six ou septième concert. "J'ai écrit des chansons pendant une dizaine d'années avant de me décider à les jouer sur une scène. Le déclic, ça a été un concert de Murat. Quand j'ai vu ce qu'il arrivait à faire seul avec sa guitare, je me suis dit : c'est ça que je veux faire !" Une révélation qui ne nous étonne pas trop, tant les passerelles entre les deux hommes semblaient nombreuses sur le papier. Un attachement quasi-militant à leurs terres natales (l'Auvergne pour JLM, Montéléger dans la Drôme pour Cyrz), l'ombre de Neil Young, les envies d'Arizona (Cyrille croiserait bien le fer avec Calexico, Murat l'a fait)... Brouiller les pistesMusicalement, la parenté est déjà moins criante et la piste Murat en est une parmi d'autres à l'écoute d'Un morceau de mon avenir, premier album infiniment attachant et prometteur. Mathieu Boogaerts et son soleil traître, Albin de la Simone ou Bertrand Betsch pour le timbre joliment ébréché, Brassens et les pompes de sa guitare classique...Un fourmillement de références parfaitement assumées et assimilées, comme belle manière de donner à entendre une musique éminemment mature, qui, finalement, ne ressemble qu'à elle-même. Une musique tournée vers l'Amérique mais qui peut s'enorgueillir d'une langue de chez nous décomplexée, jouant à merveille l'équilibriste entre rugosité et sophistication, entre violence et langueur, tout comme son maître Neil Young alterne avec génie mélodies cristallines et blocs de bruit blanc. Une tentation schizophrène que l'on peut deviner au détour d'un ou deux refrains et qui peut sembler légitime chez un ancien batteur à l'adolescence bercée par Nirvana et Noir Désir. Une déflagration que l'on entendra peut-être sur le deuxième album, auquel Cyrille pense déjà, le rêvant "moins produit, avec le son le plus brut possible. Il faut que ça craque, qu'on entende le bois travailler." Un parti pris digne des plus beaux artisans folk, qui lui ira sans nul doute à ravir.Cyrz + Remingway + YackVendredi 7 avril à 20h à Solaize


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