L'ombre d'une comédie


Critique / En grand scénariste, Veber a toujours LA bonne idée que trois quarts des comédies qui sortent pourraient lui jalouser. Ici, le con sur la photo, pris par hasard sur un cliché de presse people aux côtés d'un milliardaire et de sa top model de maîtresse, simple voiturier qui va servir de "doublure" au puissant patron pour tenter de dissimuler son adultère. Le con, c'est évidemment François Pignon, anti-héros éternel de la plupart des comédies de Veber, clown-tendresse et simple candide embarqué dans une machination qui le dépasse et qu'il va déjouer involontairement par sa maladresse. Le problème, c'est que la machination provoquant le comique de situation cher à Veber a ici beaucoup de mal à prendre. D'abord parce que le film s'éparpille en personnages secondaires, certes parfois splendides (Michel Aumont est grandiose en médecin désabusé mais abusif, jusqu'à se faire soigner par ses propres malades) mais souvent inutiles. Ensuite parce qu'il est bien difficile de croire à l'intrigue principale : pourquoi une top model, hyper-intelligente et manipulatrice (c'est elle qui provoque toutes les péripéties), serait-elle amoureuse du patron le plus pourri du monde et jouerait le jeu grotesque de cette doublure improbable alors même qu'elle n'en veut pas à son argent ? Ensuite parce que la présence d'un vrai top model aurait pu donner au film un effet de réalité qui lui manque cruellement (Veber a d'ailleurs fait des essais avec Adriana Karembeu, en vain). Enfin parce que le trio qu'il tente ici pour la première fois lui réussit moins que les duos qui, de L'Emmerdeur aux Compères, ont fait sa réputation. Les deux personnages masculins, monolithiques, pâtissent de la présence d'Alice Taglioni, impériale : Auteuil, pas très inspiré, s'enferme dans la toute-puissance du milliardaire et Gad Elmaleh, contraint à l'effacement, semble tellement subir la passivité de son personnage que pour un peu on ne le verrait même plus. Résultat : un casting inégal et une mécanique qui ne prend jamais vraiment, d'autant que la mise en scène rame un peu dans les charentaises, se contentant principalement de scène de (bons) dialogues en chambre dans des décors suintant la naphtaline. Du coup, d'aussi beaux thèmes que l'attirance pour la femme idéale ou la presse people (bien mieux traitée dans le Palais royal de Lemercier) semblent totalement désincarnés. Dommage. LH


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Fini de rire ?