22, v'là les filles !

Danse / Aux cajoleries douceâtres, le Toboggan préfère l' " Uppercut de femmes " : petit festival de spectacles vivants et bonne occasion pour découvrir de jeunes et musclés talents féminins. Jean-Emmanuel Denave


"Uppercut de femmes : 13 spectacles qui vont frapper les esprits", tel est le slogan choc du festival artistique et 100% féminin du Toboggan de Décines. Le tout accompagné d'une affiche fondant l'une dans l'autre l'image d'une jolie femme au regard ténébreux et frondeur, à celle d'une autre fille non moins sensuelle sabre au clair ! De quoi donner quelques frissons paniques ou érotiques, selon affinités. Concrètement, la manifestation s'articule autour de quatre spectacles (un de théâtre et trois de danse), agrémentés de performances, de lectures et de projections de films... Parmi les quatre plats de résistance, deux ont retenu notre toute masculine et néanmoins artistique attention. Celui, d'abord, de Daria Lippi, pour Penthésilée d'après Henrich Von Kleist. La comédienne et metteur en scène italienne présente là un étonnant dispositif théâtral où tout est inversé : elle incarne seule en scène la totalité des personnages de la pièce, tandis que trois metteurs en scène (Éric Lacascade, David Bobée...) et trois chorégraphes (Régine Chopinot, Loïc Touzé...) ont participé à la création du spectacle. Un jeu de poupées russes qui s'appuie sur quelques artifices multimédia, et déroule une histoire de barbarie, de sexe, de désir et d'amour. Bigre !Haut talentOn vous conseillera, plus vivement encore, le solo fascinant de la chorégraphe islandaise Erna Omarsdottir. La séduisante jeune fille n'est pas totalement une inconnue : elle a dansé à plusieurs reprises pour Jan Fabre ou Sidi Larbi Cherkaoui, et a participé récemment à un clip de Björk. "IBM-1401, a user's manual", titre bizarre tiré du nom du premier ordinateur arrivé en Islande en 1964, explore les relations entre l'homme et la machine, l'anatomique et le mécanique, le corps et ses devenirs possibles. Sur un plateau plongé dans la pénombre et baigné de la musique hypnotique de Johann Johannsson (un mélange mélancolique de bandes électroniques et de quatuor à cordes, interprété live), le corps de la danseuse apparaît recroquevillé au sol dans un état quasi-catatonique. Il va peu à peu se tendre, se détordre, se déplier avec violence et douleur, pour retomber encore (avec des chutes impressionnantes !), se retordre, se déplacer à terre par reptations successives, par brusques sursauts, ou spasmes... À la croisée de l'animalité et du "machinique", de la violence et de l'érotisme, de l'épilepsie et de l'hébétude, le corps d' Erna Omarsdottir semble sorti hors de ses gonds, à la recherche incessante d'un nouvel agencement, d'un introuvable équilibre. Un solo sous très haute tension technique et émotionnelle.Uppercut de femmes, du 4 au 8 avril, au Toboggan de Décines


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L'ombre d'une comédie