La nostalgie, camarade

Expo / L'IUFM présente quelques morceaux choisis du peintre "politique" Gérard Fromanger, de mai 68 à nos jours, libérant avec panache les puissances de l'image et du réel. Jean-Emmanuel Denave


C'est diablement efficace du Gérard Fromanger : des aplats de couleurs vives qui jaillissent en trombes des cimaises ; des figures simplifiées qui claquent, élégantes et insurgées, au milieu du désordre du monde ; des tableaux mis sens dessus dessous virevoltant d'énergie, de mouvement et de révolte... À soixante-six ans, le célèbre peintre de la Figuration Narrative n'a pas pris une ride, et encore moins sa retraite. Depuis quarante ans, l'artiste peint souvent (mais pas toujours) à partir de diapositives (clichés de presse, photographies de rue prises au hasard d'errances...) projetées sur une toile. Il n'en effectue ni le décalque ni le dessin, mais y applique des couleurs chaudes ou froides, souligne, retire, étire, renverse, intensifie... Créant ainsi "un événement-tableau sur l'événement-photo", selon l'expression de Michel Foucault. Il se passe avec Gérard Fromanger ce qui se passait déjà, et d'une autre manière, dans les sérigraphies de Warhol : la grande fête de l'image est rouverte avec ses bains de jouvence, ses passages d'un support à l'autre, ses vitesses effrénées, ses courts-circuits, ses redistributions et ses circulations nouvelles... "Peinture peuplée de mille extérieurs présents et futurs" (Foucault encore, dans son très beau texte sur Fromanger : La Peinture photogénique)."Peindre, c'est résister à la mort"À Lyon (où il n'était pas venu depuis trop longtemps), le peintre expose une cinquantaine d'œuvres de toutes époques (1964-2006), dont plusieurs séries remarquables. Celle, par exemple, de l'album Le Rouge (1968-1970) : sérigraphies où tous les personnages au travail, ou en révolte sur les barricades, apparaissent en silhouettes rouge vif au milieu de la grisaille bleutée des cars de police et de l'environnement urbain. Ou la très émouvante série La Vie quotidienne, composée de plusieurs petits tableaux avec des personnages dansant sur des lignes courbes qui se poursuivent d'une œuvre à l'autre. La série la plus récente de l'artiste, Vertiges (2006), à travers des scènes de rue sur fond noir dédoublées et inversées, montre des mouvements à la fois triviaux, foisonnants et festifs, parmi un monde contemporain effréné et déboussolé... Autant d'odes au réel qui, malgré ses déboires et ses atrocités, recèle toujours des possibilités de joie, des points de résistance et de renversement... Fromanger, reprenant André Breton, dit souvent que "la beauté doit tenir le coup devant le journal du matin". Devoir accompli.Gérard Fromanger à la Galerie IUFM Confluence(s) jusqu'au 28 avril. D'autres œuvres de Fromanger sont visibles au Muséum d'histoire naturelle dans le cadre de l'exposition Camouflage.


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