Entretien avec un géant

Jean-François Bizot, fondateur d'Actuel et de Nova Magazine nous offre un flash-back sur ses nuits lyonnaises. Propos recueillis par Dorotée Aznar


On se refait la liste pour le plaisir. Il a été ingénieur économiste, journaliste à l'Express, il a fondé Actuel, (avec Michel-Antoine Burnier, Patrick Rambaud et Bernard Kouchner entre autres), tourné un film, écrit une enquête, s'est essayé avec bonheur au roman et au livre d'art et est aujourd'hui à la tête de Novaplanet (magazine, radio, site Internet, maison de production et maison de disque) et de TSF, la radio jazz. Pas de doute, Jean-François Bizot en impose, à l'instar de sa voix de contrebasse. Cette figure emblématique qui a laissé une bonne partie de sa fortune dans la presse, roi de l'underground, anthologie de la nuit sur pattes, a traîné ses mocassins à Lyon. Deux époques des nuits lyonnaises, qu'il se remémore avec plaisir. Entretien.Vous avez beaucoup fréquenté Lyon, pouvez-vous évoquer la nuit lyonnaise que vous avez connue ?Jean-François Bizot : J'ai des attaches locales et des sympathies locales automatiques J'ai connu deux époques des nuits lyonnaises. La première, c'est à l'époque d'Actuel, vers 1982, on avait fait des tournées dans pas mal de villes. C'était la grande époque New Wave à Lyon, vraiment une bonne période pour la ville. Il y avait Ze Records avec Michel Esteban qui a exporté son truc jusqu'à New York et c'est aussi l'époque Rachid Taha, qui a duré environ jusqu'à la marche des beurs [la première manifestation nationale en France pour l'égalité des droits et contre le racisme, de Marseille à Paris, en 1983, ndlr]. Entre 1982 et 1985-1986, Radio Nova avait aussi des liens manifestes avec la ville. C'est simple, à part Paris, il n'y avait que deux grandes scènes New Wave en France : Bordeaux et Lyon. Après, je me suis occupé d'autres musiques et je ne suis pas venu à Lyon pendant longtemps.Quand êtes-vous revenu ?Il y a environ 5 ans... je crois. Je suis revenu pendant la période Lyon Capitale et Jarring Effects. Le lieu emblématique était le Pezner, un club indépendant avec une bonne programmation et un esprit ouvert, qui tenait bien la route [une salle de concert alternative villeurbannaise qui a fermé en juin 2002, ndlr]. Il y a eu les concerts Nova avec Richard Laporte et Lyon Capitale. Ce sont les deux périodes de la nuit auxquelles je suis attaché.Lyon a beaucoup changé selon vous ?Oui, comme certaines grandes villes, comme Toulouse. Ce sont des villes dont on a besoin, il faut qu'elles aient des spécificités. Lyon est une métropole et a tout ce qu'il lui faut pour faire des trucs. Je crois qu'il y a un esprit lyonnais... La preuve : quand on a monté Actuel, sur 15 personnes, 40 % avaient des attaches lyonnaises, c'est pas un hasard, non ?Pensez-vous que Lyon soit toujours une ville conservatrice ?O.K cette ville est bourgeoise et se cache derrière des rideaux. J'en ai assez d'entendre ces clichés, ça me gave. Je ne pense pas que Lyon soit une ville ultra-conservatrice, c'est juste une ville bourgeoise, un peu comme Bordeaux. N'oublions pas que la New Wave était plus forte à Lyon qu'à Paris, cela prouve la modernité de la ville. On trouve une forte population de travailleurs intellectuels à Lyon et puis, c'était quand même la ville la plus moderne de la fin du XIXe, ça doit laisser des traces ! Maintenant, on peut effectivement se demander quand Lyon va se réveiller... Je n'ai pas bien suivi ce qui se fait à Lyon depuis quatre ou cinq ans. Je sais qu'il y a des gens, qu'il y a une énergie Je pense que la confiance accordée aux talents locaux est sans doute à revoir. Une ville doit avoir ses labels. Ce sont les labels qui font la scène et la scène qui fait la nuit.Vous avez des projets à Lyon ?Je ne suis pas trop ce qui se passe, même si, depuis cinq ans, je file un coup de main à Jarring Effects. Par ailleurs, on a passé un bon moment à essayer de trouver un moyen pour émettre Radio Nova à Lyon. On a réussi à Marseille mais toujours pas à Lyon. Mais je n'oublie pas la ville, venir émettre serait le meilleur moyen de voir ce qui s'y passe. Vous ne pensez pas ?


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Jean-Marc Mougeot