1, 2, 3 soleil !

SCENE / ça compte aux Subsistances : trois jours de week-end ensoleillé pour des performances dans tous les sens, qu'on vous présente dans le désordre et pour le plaisir. En attendant d'y aller. Luc Hernandez


Il y aura du monde aux Subsistances, et sans compter, pour un de ces week-ends surchauffés où pullulent les formes hybrides et décomplexées de la création contemporaine. Il y a ceux qu'on a déjà repérés comme faisant partie de la famille : les jongleurs Nicolas Mathis, François Lebas et la trapéziste Céline Lapeyre livreront un premier spectacle dont on avait pu voir les prémisses l'année dernière. Le Parti pris des choses, où la poésie lunaire et sensible de Francis Ponge mise en scène au grand air du cirque. Autre jongleur, Adrien Mondot est lui aussi de retour avec un nouveau spectacle multimédia qui fait disparaître l'objet même du jonglage, à savoir les boules, pour retrouver ce que les gestes privés de leur outil doivent à la danse. Songes virtuels garantis pour un titre à la froideur informatique : Convergence 1.0. Si le cirque et la danse se taillent la part du lion, c'est surtout pour aborder, et dynamiter, des thèmes sociaux. Xavier Akim, lui aussi artiste de cirque multimédia et Wei Chen Yang, danseuse taïwanaise, se sont inspirés du livre de Luc Boltansky et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, pour créer 100% croissance, détournement corporel de la pression en milieu professionnel et des règles perverties du management. Concurrence et contexte économique toujours, mais cette fois-ci passée à la moulinette du burlesque dans La Jurassienne de réparation par le Théâtre group', épopée langagière de deux mécanos qui refont le monde actuel en défaisant avec acharnement les règles de la grammaire. En pleine panne des sens, on ne devrait pas manquer de se bidonner. Théâtre de rue toujours, et humour au rendez-vous, avec le Makadam Kanibal et son Cirque des curiosités, soit deux fakirs de l'absurde qui pour exprimer leur amour débordant s'enfoncent tout (des louches dans la gorge, des clous dans le nez...) et avalent n'importe quoi, comme des ampoules. Il paraît conseillé de ne se sustenter qu'après la représentation.Sensuelle et sans suite (pour violoncelle)Mais dans cette liste presque aussi longue que celle des courses que publiait Marguerite Duras, on s'est gardé notre péché mignon pour la fin. Elle ressemble comme deux gouttes d'eau à Virginie Ledoyen. Marie Vialle, seule avec son violoncelle, viendra parler, chanter et taire aussi parfois la petite musique de Pascal Quignard. Trois contes que cet auteur contemporain et néanmoins éternel a tissé rien que pour elle. Trois contes pour adultes sur les origines de la voix qui, comme l'écrit l'auteur des Ombres errantes, seul beau prix Goncourt de ces dix dernières années, vantent aussi la "royauté du sexuel". Spectacle solitaire, pétri non pas d'une solitude qui enferme, mais de celle qui dénoue un peu de lien, recentre, nourrit. "Avec chaque amour, on change de passé", écrit Quignard dans Sur le jadis. On a hâte d'aller voir ce Nom sur le bout de langue pour retomber amoureux.Ca compte du 10 au 12 mars aux Subsistances (programme complet en p11)


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Le Livre rame