Ne parlez pas de Mahler


Classique / N'ayez pas peur de Chostakovich. D'abord parce qu'il est l'auteur naïf d'une valse enlevée accompagnant une célèbre publicité où l'on voyait danser toute sa vie, avant qu'elle ne devienne le générique d'Eyes wide shut, dernier film de Kubrick. Mais surtout parce que son oeuvre symphonique, hyper-expressive, raconte à vous ouvrir les yeux mieux qu'un film l'histoire de l'URSS, et notamment celle de la deuxième guerre mondiale. Composée en 1943, en plein cœur de la guerre, la huitième, trônant comme un monument d'inquiétude au beau milieu des quinze symphonies du compositeur russe, est une des plus étranges et intimistes araignées orchestrales qui puisse vous chatouiller les tympans. Presque pas d'éruption belliqueuse, à part un troisième mouvement à la mécanique implacable, d'où jaillissent des cuivres stridents. Mais une longue méditation contrariée, qui débute par un adagio d'après le champ de bataille, longues coulées de violons qui rappellent immanquablement les plus belles pages de Mahler. Les autres mouvements feront place à des harmonies plus conflictuelles, mais toujours mues par une vitalité qu'on a rarement l'occasion d'entendre dans le monde symphonique. Après Leonard Slatkine dirigeant la 11e l'an dernier à l'Auditorium pour un concert d'anthologie, c'est au tour de Marc Piollet de prendre le relais russe, aux côtés de l'étoile montante du violoncelle, bien que descendue de Chambéry : Gautier Capuçon interprètera en complément de programme un très classique Concerto de Schumann pour se remettre les oreilles en place. Pour faire durer le plaisir, vous pourrez toujours aller acquérir en disque les symphonies enregistrées récemment par Mariss Jansons chez EMI. La treizième, inspirée d'un poème dénonçant le massacre antisémite de Baby Yar, est un pur diamant noir. La quatrième, bouillonnante, avait par ailleurs servi de générique à La Loi du désir d'Almodovar. LH8e symphonie de Chostakovich à l'auditorium jeudi 9 mars à 20h30 et samedi 11 mars à 18h.


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1, 2, 3 soleil !