Bain de jouvence

Un sexagénaire toujours en quête de modernité et une bande de jeunes loups qui fait du neuf avec du vieux. John Cale et Hyperclean, deux bonnes raisons d'approcher les scènes rock cette semaine. Emmanuel Alarco


S'il ne jouit pas de la même aura de star internationale que certains de ses camarades de l'époque (Lou Reed, Bowie, Iggy), John Cale n'en est pas moins un personnage fondamental de l'histoire du rock. Déjà à l'époque du Velvet, le jeune altiste gallois (qui maniait aussi basse et claviers) subissait la loi de l'ami Reed - qui finit par le virer purement et simplement - alors même qu'il était l'élément perturbateur sans qui le groupe ne serait sans doute jamais devenu ce qu'il est devenu : l'un des plus influents de tous les temps. Après plus de trente ans d'une carrière solo riche en rebondissements (disques pop ou expérimentaux, productions légendaires des Stooges, de Patti Smith ou des Modern Lovers, musiques de film, retrouvailles avec Lou Reed pour un hommage à Warhol, reformation éphémère du Velvet), l'homme à la mèche nous revient avec un disque débordant d'enthousiasme, mais pas forcément de chefs d'œuvres. S'il fait preuve à 64 ans d'une soif de nouveauté intacte, il faut avouer que ses bricolages de studio ne sont pas forcément très heureux et qu'on leur préfèrera des morceaux plus classiques et sobrement mis en sons comme le magnifique Gravel Drive : un arpège de guitare, de discrètes nappes synthétiques et une voix impériale à qui répond un troublant écho féminin. En misant sur ses quelques réussites récentes et une poignée de vieilles choses cultes, John Cale pourrait bien nous gratifier d'une performance de choix sur la scène du Ninkasi.Next big thingUne performance scénique mémorable à n'en pas douter, celle d'Hyperclean au Marché Gare. Le jeune combo toulousain jouit en effet d'une réputation démentielle en la matière et a en plus eu le bon goût de sortir un album à l'avenant, il y a quelques mois. Longtemps que l'on n'avait pas pris une telle claque avec un disque qui parle la langue de Molière. Longtemps - depuis le méconnu Arnaud Fleurent-Didier - qu'un météore n'avait surgi de la sorte en mêlant à la perfection sensibilité anglo-saxonne et verbe de chez nous. À l'heure où l'on nous bassine chaque semaine avec la nouvelle sensation rock venue d'Angleterre, voilà peut-être enfin la vraie sensation rock made in France. Le génie d'Hyperclean, balancer des textes tantôt surréalistes, tantôt libidineux, souvent drôles et toujours touchants, avec une foi et une sincérité désarmantes, sans aucun cynisme. Musicalement, c'est le même tarif ; quand ils jouent la carte 70's, avec orgue Procol Harum, solo de guitare et tout le tremblement, c'est loin de toute tentation parodique. Ils jouent simplement la musique qu'ils aiment avec conviction et emportent tout sur leur passage. Pour faire honneur à leur préfixe superlatif, on dira, en pesant nos mots, que ce premier album est un chef d'œuvre et qu'Hyperclean a tout d'un grand groupe.Hyperclean + Fake OddityLe 17 février au Marché GareJohn CaleLe 21 février au Ninkasi Kao


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Waltz impromptue