Tableaux russes

Opéra / Mazeppa ouvre le cycle Pouchkine-Tchaikovski à l'Opéra de Lyon. La saveur des premières fois pour cet opéra méconnu du compositeur russe, porté par une mise en scène et des décors fastueux. Dorotée Aznar


Mazeppa est un opéra historique qui répond parfaitement aux règles du genre : c'est une histoire d'amour, de mort, de pouvoir, de trahison et de folie. Figure de l'Histoire russe, Mazeppa est l'un des derniers chefs cosaques, un héros romantique partagé entre l'amour de son pays -une Ukraine qu'il souhaite forte et indépendante- et son amour pour la jeune (très jeune) Maria, fille de son ami Kotchoubeï, qu'il trahit et fait assassiner. Allié au roi de Suède dans la guerre contre la Russie, Mazeppa sera finalement vaincu, dépouillé de son honneur et de sa gloire. Le rideau se baisse alors sur le départ du vieux chef, réduit à l'état de fuyard honteux, et sur Maria, femme trahie et abandonnée, en proie à la folie. En abordant pour la première fois l'opéra russe, Peter Stein ne lésine pas sur les moyens. Costumes luxueux, décors gigantesques ; la mise en scène privilégie sans aucun doute le figuratif et le spectaculaire à la dramaturgie. Si le public se lasse de suivre le sur-titrage en français, il peut donc sans peine se concentrer sur les indéniables qualités esthétiques et musicales de l'œuvre. Peinture musicale Le metteur en scène allemand est comme le peintre de cette fresque historique et donne à voir des scènes folkloriques grandioses. De la liesse populaire à la mise à mort de Kotchoubeï, des plaines enneigées à l'arrivée des chevaux sur scène, les changements de plateau sont aussi fréquents que saisissants. Et si la distribution peine à restituer l'ampleur du drame humain et une émotion authentique, la musique compense par une intensité et une force exceptionnelles. Sans doute faut-il accorder un peu de clémence aux chanteurs Wojtek Drabowicz et Anna Samuil qui font, avec Mazeppa, leurs premiers pas sur la scène lyrique lyonnaise. L'émotion et l'appréhension palpable des artistes lors de la première n'a pas permis de donner au chant toute son ampleur, ce qui ne saurait être une raison suffisante pour condamner d'emblée les représentations à venir. Enfin, on ne saurait oublier de saluer la performance du jeune chef d'orchestre Kirill Petrenko. Il est exalté (on a parfois l'impression qu'il va bondir sur scène et se retient de chanter...) et fait preuve de qualités de direction à la hauteur de son enthousiasme.Mazeppa,À l'Opéra de LyonJusqu'au 7 février


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