La pop en question

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Ceux qui ont eu la chance de découvrir à sa sortie le premier album de CLoudDead ont vu leur vision du hip hop brutalement remise en question. Sorte de contre évangile qui, comme souvent, a surtout trouvé des adeptes chez les mécréants, cette longue rumination de samples taciturnes et de textes engagés, bricolé à 6 mains expertes, ne ressemblait finalement à rien de connu. Depuis, le succès du label Anticon a permis de se familiariser avec cette esthétique mutante, de plus en plus éloignée du rap originel. Quant à CLoudDead, malgré un deuxième album tout aussi convaincant, c'est avant tout la trajectoire de ses trois membres qui force le respect. DoseOne est devenu le meilleur rappeur de la terre, Odd Nosdam est allé faire ses collages sans parole sur de savoureuses galettes, tandis que Why ? a montré de quel bois pop il se chauffait sur deux albums graduellement formidables.Beach Boy sous acideWhy ?, vrai nom Jonathan Wolf, n'a gardé de ses armes chez CLoudDead que le goût pour les samples étranges, les atmosphères musicales tordues et un prédilection pour les textes flirtant avec l'abstraction, sinon avec l'absurde (sur le premier album, on se souvient de ce morceau où il affirmait "avoir découvert avec certitude que la fille pour qui il avait le béguin était une lesbienne"). Le flow, en revanche, était en voie d'extinction dès son premier opus. Pour son deuxième essai, l'excellent Elephant Eyelash, la voix de Wolf a définitivement pris le pouvoir, et si Why ? a toujours ce désir de produire de la matière sonore inédite, il a surtout envie d'écrire de vrais bonnes chansons. Jonathan Wolf a basculé du côté obscur de la pop, celui des inventeurs outrageusement brillants qui ne cherchent même pas à faire semblant d'avoir une grande voix (il la maquille souvent derrière un vocoder grésillant), mais croient encore à l'efficacité d'un refrain ou d'une mélodie. C'est sûrement le plus marquant ici : ce retour à des structures simples et percutantes, cette recherche du tube étrange, ce côté Beach Boys sous acide... Autrement dit, on n'est plus ici au royaume de la recherche expérimentale, mais dans un paysage harmonieux, abouti et lumineux. Un bel exemple avec notre chef-d'œuvre personnel de l'album, Gemini : refrain simple et chanté, couplets nerveux, petit piano timide, un peu de pedal steel, une mélodie à la guitare, quelques breaks étonnants... On aura rarement entendu dans ce type de musique (sinon chez son copain Fog) une chanson si immédiatement plaisante, si directement émouvante. Avec un bijou pareil, Why ? vient de gagner sa place au paradis des songwriters...Why ?À la Marquise le 5 décembre"Elephant Eyelash" (Anticon/Differ-ant)

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