Tubes underground

Musique / Un songwriter génial en vacances de son groupe à grosses guitares et un brillant mélodiste touche-à-tout : l'affiche Troy von Balthazar et Sébastien Schuller postule sérieusement au titre de concert de l'année. Emmanuel Alarco


"Classiques immédiats". Voici comment sont désignés dans la bio de Troy von Balthazar les morceaux de son premier album solo. Manque de bol, ce sont exactement les mots qui nous sont venus à l'esprit à l'écoute du disque et, trop fiers pour risquer de passer pour de vulgaires plagiaires de dossier de presse, nous voilà privés de nos meilleures cartouches pour honorer ces somptueuses miniatures folk. Enfin folk, c'est un bien grand mot, tous les qualificatifs semblant glisser sur la musique insulaire du leader de Chokebore. Rock, pop, lo-fi, les chansons de l'Hawaiien, dans leur nudité désarmante (le plus souvent une guitare, un clavier chétif et une rythmique en carton), possèdent l'évidence des grands standards. Suites d'accords lumineuses pour mélodies qui touchent au cœur et donnent l'impression d'avoir toujours été là, enfouies au plus profond de nous, n'attendant que la voix vibrante de TvB pour les ramener à la lumière. Les subtiles volutes féminines (deux duos parfaits) pourraient évoquer certains élans en mineur de Blonde Redhead ; la grâce désespérée des harmonies vocales, réveiller le fantôme d'Elliott Smith, mais la plupart du temps, la musique de Troy von Balthazar ressemble bel et bien à un îlot coupé du monde. Un coin perdu habité par un homme seul réfugié dans son home studio. Et qui semble s'y plaire, tant le disque enregistré avec quatre bouts de ficelle transpire un plaisir infini du jeu, inventant une forme de minimalisme luxuriant sans jamais sombrer dans l'austérité. C'est beau, limpide, addictif et, paraît-il, totalement renversant sur scène. Saule musiqueClassique immédiat, c'est aussi la sensation que l'on a ressentie dès la première écoute de Weeping willow, le foudroyant premier single de Sébastien Schuller. En quatre titres et autant de perspectives différentes, le jeune Yvelinois endossait illico le maillot de meilleur espoir français à l'automne 2002. La chanson éponyme remportait très justement tous les suffrages et les instrumentaux qui l'accompagnaient laissaient augurer d'un album de haute volée. Mais voilà, magie de l'industrie du disque oblige, il aura fallu attendre plus de deux ans pour que Happiness, le premier long format du sieur Schuller, voit enfin le jour. Weeping willow y figure évidemment en bonne place et conserve le titre de chef d'œuvre de son auteur malgré une concurrence de tous les diables : le radioheadien Sleeping song, l'imparable Tears coming home... Orfèvre du clavier aérien, artilleur de la guitare Morricone et vocaliste touchant, Schuller est un athlète complet qui n'est pas sans rappeler Syd matters, autre jeune loup de la scène française qui, lui non plus, n'a pas à rougir devant nos amis Anglais. S'il tient la scène comme celui-ci, la soirée s'annonce mémorable.Sébastien Schuller/Troy von Balthazar (+ Vale Poher)À l'Épicerie Moderne (Feyzin)Vendredi 25 novembre


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"Tant qu'il y aura du rock"