Fellag, le rire du chameau


Théâtre / Depuis 10 ans qu'il arpente les scènes françaises avec ses spectacles, on avait un peu oublié Mohammed Fellag. Et si, au détour d'un de ses inépuisables Carnets, Joan Sfar ne nous l'avait pas remis en tête, on aurait peut-être continué à négliger l'importance du comique algérien. Mais voilà, selon le théorème qui veut que toute personne ayant la considération de Sfar ait aussi automatiquement la nôtre, on a ressenti la nécessité d'entendre à nouveau la parole de Fellag. La parole, justement : face au Dernier chameau, son spectacle actuellement itinérant, on découvre que Fellag est un extraordinaire auteur. De one man show en one man show, son écriture s'est affinée et n'hésite plus aujourd'hui à jouer à fond la carte du beau style. Évidemment, le but est ensuite de la truffer de dérapages, à commencer par tous ceux, hilarants, dans sa langue d'origine, manière de vie incontrôlée qui fait irruption dans des récits à la précision vertigineuse. Deux langues qui ne s'affrontent pas mais se complètent : c'est exactement la philosophie qui circule dans les spectacles de Fellag. L'Algérie, cette réserve inépuisable de souvenirs, d'anecdotes, d'attitudes, et de portraits, Fellag ne s'en moque que pour la faire comprendre à tous, la faire aimer, proche dans sa démarche de celle de Djamel Bensalah avec son récent Il était une fois dans l'Oued. Mais, c'est de bonne guerre, la France coloniale en prend aussi pour son grade, et en montrant l'obstination têtue de l'une envers l'autre, Fellag les rapproche un peu, leur fait pudiquement se tenir la main. Le Dernier chameau, qui flirte avec l'épique, montre que tolérance ne rime pas avec complaisance, et prouve que Fellag est non seulement un grand comédien, mais aussi un grand homme.Christophe ChabertFellag "Le Dernier chameau"À l'Allegro (Miribel)Mercredi 23 novembre


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