Tombe la neige...

Théâtre / Olivier Rey s'appuie sur le Blanche Neige de Robert Walser pour interroger l'état du théâtre contemporain : démarche audacieuse qui pose beaucoup de questions et prend soin de n'apporter aucune réponse. Christophe Chabert


La dernière fois que l'on avait "vu" une adaptation du Blanche Neige de Robert Walser (auteur suisse allemand plus connu pour sa production littéraire que dramatique, notamment Les Enfants Tanner et L'Institut Benjamenta), c'était au cinéma par le regretté Joao Cesar Monteiro. Le film n'était qu'un long écran noir entrecoupé par de rares plans de nuage, et le texte de Walser était joué par des acteurs que l'on ne voyait jamais. Manière d'aporie cinématographique, chahutée à l'époque, la démarche de Monteiro a quelque chose à voir avec celle d'Olivier Rey aujourd'hui au Théâtre des Ateliers. Car bien malin qui pourra dire au sortir du spectacle ce que l'on vient de lui raconter ; tout juste soulignera-t-on que la langue de Walser est en effet d'une incomparable richesse poétique. Quant à la mise en scène, elle n'est qu'une suite de questions dont l'enjeu central, dévoilé tardivement, est bien la possibilité même de faire encore du théâtre.Le théâtre en état de décompositionLe spectacle s'ouvre dans un épais nuage de fumée, avec la voix d'Iggy Pop éructant son classique I wanna be your dog pendant que deux gigantesques ventilateurs provoquent une étrange stroboscopie. Clip d'introduction qui reviendra en milieu de représentation, entrée en matière spectaculaire qui, pourtant, n'a pas grand chose à voir avec la suite des événements. Où Walser reprend l'histoire de Blanche Neige telle que racontée par les Frères Grimm, en se concentrant sur sa fin (l'empoisonnement et le baiser du prince), avant de la malmener par la seule force d'une langue qui semble sous la seule force de son inspiration poétique. Face à ce texte assez impossible, Olivier Rey adopte une posture qui met du temps à se dévoiler sous son aspect critique : le plateau n'est qu'un fouillis de chaises, de bouteilles et de câbles, sauf une minuscule ouverture au fond traitée de manière stylisée comme un espace de représentation autonome ; les acteurs prennent soin de briser la logique de déclamation en marquant des pauses en milieu de tirades ; les costumes, ni réalistes ni contemporains, ont quelque chose de volontairement grotesque... Le metteur en scène va poursuivre, une heure durant, ce petit précis de décomposition théâtrale contemporaine, alignant les lieux communs du genre : l'acteur qui part dans le public, l'utilisation de la vidéo, les gestes à contretemps des comédiens, l'érotisme souligné et même le micro ouvert pour transformer certains passages du texte en aphorismes signifiants. Or, justement, tout ça ne signifie rien, et c'est la force de ce Blanche Neige : l'entreprise d'Olivier Rey est bien de mettre à nu ce théâtre qui, aujourd'hui, n'est plus apte à raconter quoi que ce soit, ne se nourrit que d'images, de mots et d'idées sans véritablement les relier ensemble, sans arriver à les donner en spectacle, sans pouvoir conclure autrement que par un "C'est fini" laconique entraînant la routine des rappels.Blanche NeigeAu Théâtre des AteliersJusqu'au 14 novembre


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Coco charnel