À travers le miroir

Opéra & Théâtre / À l'aune d'une saison aussi chargée qu'ambitieuse, Laurent Pelly a accepté de se pencher avec nous sur son emploi du temps plus que bousculé, où le début de saison très lyrique laissera place à la reprise du Roi Nu et à la création des Aventures d'Alice au pays des Merveilles. Propos recueillis par François Cau


Après avoir monté les œuvres les plus "massives" du répertoire d'Offenbach, Laurent Pelly s'attaque donc à une trilogie frivole, à des pièces plus légères. Monsieur Choufleuri restera chez lui le... et L'Île de Tulipatan sont des opérettes flirtant souvent avec le vaudeville le plus trivial, mais dont l'énergie prépare cependant, avec une candeur complice, au véritable enchantement ressenti devant Un petit voyage dans la lune. Jouissant de l'excellent soutien musical de l'Orchestre et des chœurs de l'Opéra de Lyon, brillamment dirigés par le prometteur Jérémie Rohrer, ces trois œuvres ne constituent, au-delà de leur plaisir immédiat, que de copieux amuse-gueules face aux grandioses Contes d'Hoffmann. Autant le dire tout de suite, le trio gagnant Laurent Pelly-Marc Minkowski-Offenbach s'apprête à enchanter durablement l'Opéra de Lyon. Rencontre avec le maître d'œuvre scénique. Pouvez-vous évoquer en quelques mots l'aventure de la trilogie Offenbach ?Laurent Pelly : Ces petits Offenbach constituent quelque chose de nouveau pour moi, Il y a trois troupes, trois orchestres et assez peu de temps, c'est une vraie folie technique. On a répété à l'Auditorium de la Maison de la Culture grenobloise, dans cette architecture très moderne, ça nous a nécessairement influencé pour cette espèce de relecture, de transposition d'Offenbach avec beaucoup de choses d'aujourd'hui. Ce sont trois œuvres très différentes, une sorte de panorama des autres œuvres, une histoire du bourgeois dans tous ses états, dans des situations différentes. À Lyon, avec cette contrainte de lieux différents, ça devient une chose encore plus folle à répéter, à construire. Cette trilogie vous semble-t-elle vraiment représentative de l'œuvre globale d'Offenbach ?Oui et non, parce que ce sont tout de même des œuvres très particulières. Au départ j'étais presque réticent, nous avions monté les pièces les plus importantes (La Vie Parisienne mise à part), je ne voyais pas forcément l'intérêt de monter des pièces a priori plus "légères" ; mais le répertoire d'Offenbach est tellement colossal, on a cherché un bon moment avec Agathe Mélinand et on a fini par trouver ces trois œuvres. Dans Monsieur Choufleuri..., l'intérêt est dans la musique, qui est une sorte de parodie d'opéra italien, très drôle et sophistiquée avec un livret léger, et la deuxième c'est l'opposé, elle verse dans un registre burlesque échevelé. Et Le Voyage dans la Lune, ce n'est peut-être pas d'un niveau intellectuel bouleversant non plus, mais c'est plein d'esprit et très drôle. Quelque part, ces pièces sont plus efficaces et plus dynamiques que les grandes œuvres, où ces aspects sont plus dilués. On a travaillé dans une certaine économie de moyens, mais sans dévaloriser les œuvres. On les a montées de façon légère, avec de jeunes chanteurs qui pour la plupart n'ont jamais abordé ce genre de répertoires.Le Festival Offenbach se terminera par la reprise de votre gigantesque version des Contes d'Hoffman...Il y aura effectivement une sorte d'apothéose avec Les Contes d'Hoffman. C'est une œuvre monstrueuse... Non, disons plutôt énorme ; on l'a déjà montée deux fois, mais c'est une œuvre infinie que j'adore, en définitive le testament d'Offenbach, qu'il n'a d'ailleurs jamais vue de son vivant. À l'origine Les Contes étaient montés avec des récitatifs, on a rétabli les dialogues parlés et d'autres choses disparues. C'est un début de saison très lyrique, mais on repartira en tournée à la fin du Festival avec Le Roi Nu. Ce sera une "respiration" très importante, déjà parce que j'adore ce spectacle, on fêtera d'ailleurs la centième représentation en décembre au Théâtre de la Croix Rousse. Ensuite, Alice sera créée en janvier à Grenoble, avant d'arriver au Théâtre de la Renaissance... On peut dire que c'est une grosse saison. Pour votre création autour des Aventures d'Alice au Pays des Merveilles, vous annoncez une forme restreinte, avec une unique interprète. Ce qui m'intéresse c'est surtout le texte, c'est vrai qu'on pourrait faire une féerie grandiose avec des moyens hallucinants... Mais l'imagerie Walt Disney a déjà trop masqué la langue et l'écriture de Lewis Carroll. Agathe Mélinand a fait sa propre traduction du texte, et elle s'est rendue compte que de nombreuses formulations étaient plus crues, du moins plus directes, plus vivantes ; en relisant les traductions les plus répandues, on avait l'impression jusqu'à présent que le texte était rédigé par une vieille dame très chic, alors que le texte s'avère plus violent que ça. Même s'il a été écrit pour une petite fille, il n'est pas vraiment recommandable aux enfants dans sa forme originale... Comme le rêve est le fil rouge de la dramaturgie de quasiment tous les spectacles que je monte, cette année est celle du grand saut. On le monte avec une grande actrice, Christiane Millet, qui est capable de tenir le spectateur pendant une heure et demie avec assez peu de choses ; on va travailler avec la vidéo mais ce ne sera pas les images auxquelles on peut s'attendre, on s'attardera sur la sensation, le langage, la folie du texte qui sera suggérée plus qu'illustrée. Pour résumer, il n'y aura pas de comédiens déguisés en lapin sur scène...Festival OffenbachDu 19 novembre au 7 décembreÀ l'Opéra de LyonLe Roi NuDu 7 au 18 décembreAu Théâtre de la Croix RousseLes Aventures d'Alice au Pays des MerveillesLes 6 et 7 avrilAu Théâtre de la Renaissance


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