Le Ninkasi, brasseur d'idées

Un concept qui fait mouche et des ambitions culturelles revendiquées, le Ninkasi est l'histoire d'un lieu et d'un homme, Christophe Fargier. Après huit années d'existence, premiers bilans et perspectives. Dorotée Aznar


C'est en 1995 que débute l'aventure du Ninkasi. Christophe Fargier veut alors créer son entreprise et décide, avec l'un de ses amis, d'importer en France un concept qui fait ses preuves aux Etats-Unis : recréer une brasserie artisanale. Deux ans plus tard, le Ninkasi Gerland ouvre ses portes. "Nous avons cherché un lieu pour écouler la production sur place, en sachant bien que les conditions seraient plus difficiles qu'aux Etats-Unis" explique-t-il. Et il ne s'y est pas trompé : "La première année, c'est la Coupe du Monde qui a sauvé le Ninkasi", se rappelle-t-il. La bière cohabite rapidement avec la musique, et Christophe souhaite créer une salle de concert. En 2000, le Kao voit le jour, mais c'est la douche froide. "Quand on s'est lancés dans la musique, on l'a fait de manière un peu naïve. La première année, nous avons perdu 100 000E" explique-t-il. Il se tourne alors vers les pouvoirs publics, demande de l'aide afin de soutenir les musiques émergentes. Les subventions ne suffisent pas. "Les premières années, il y avait un réel déséquilibre. Tout l'argent généré par notre activité partait dans la musique". Pour soutenir le projet culturel, il décide alors de créer les petits cafés (dernier de date, le Ninkasi Gratte-Ciel à Villeurbanne), qu'il contrôle à 100 %. Ces établissements reversent 4 % de leur chiffre d'affaire à l'association Kao Konnection, qui gère la salle de spectacle. Mais les cafés sont des gouffres financiers et l'ami d'Amérique met les voiles. Christophe reprend donc la situation en main. Progressivement, les petits du Ninkasi deviennent actionnaires et prennent leur indépendance. Le Ninkasi sort d'une logique de franchise, "le Ninkasi, c'est pas le Mac Do" ironise Christophe.Bière, musique et vidéoLa réussite est désormais au rendez-vous. Boulimique de projets, le directeur du Ninkasi aimerait exporter son concept à l'étranger. En attendant, un "Ninkasi Gastronomique" devrait voir le jour à Saint-Étienne en juin 2006. Et à ceux qui l'accusent de se construire un petit empire, Christophe rétorque : "Je n'ai pas pour ambition d'être patron de 50 bars, les établissements ne m'appartiennent pas". Son aventure ne s'arrête pas dans l'assiette ; Christophe Fargier se lance également dans un projet de télévision locale, Ninka TV, qui serait diffusée dans les différents cafés. "Nous programmons plus de 400 artistes chaque année au Kao. Une chaîne locale nous permettrait d'animer nos établissements et de donner un sens à leur participation financière" explique-t-il. Ninka TV serait tout d'abord un outil de promotion, avec des reportages sur les artistes programmés au Kao et les artisans qui fournissent les bars. Mais pas uniquement : "Cette chaîne doit être ouverte sur la ville, aider les petits festivals à se faire connaître" prévient Christophe, rompu aux critiques et aux doutes concernant ses ambitions culturelles. Le chef d'entreprise, fort d'un chiffre d'affaire de quatre millions d'euros, défend ses idées avec pragmatisme. "Nous sommes une entreprise privée mais cela ne nous empêche pas d'être porteurs de projets" conclut-il.


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