Le cri des Animal

Musique / Ambassadeur depuis de longues années de ce folk bizarre qui a depuis trouvé de brillants disciples, Animal Collective va brailler librement sa musique sur la scène de La Gourguillonnaise le 1er novembre, un nouvel album très bien dressé sous le bras. Christophe Chabert


Mais qui sont ces cinglés qui portent des noms à coucher dehors (Panda, Geologist, Doctess...), dont la musique est à mi-chemin entre l'incantation et le cri primal et qui aiment apparaître grimés derrière des peintures de sioux ? Pas sûr qu'une rapide inspection biographique nous avance beaucoup sur les motivations d'Animal collective à produire depuis maintenant de nombreuses années (7 albums au compteur) un folk déviant, bizarre (weird), unique en son genre et en plus, toujours renouvelé de disques en disques. En prenant le train en route de leur précédent Sung Tongs, on avait pu se poser des questions sur le culte autour d'un tel combo, tant les idées musicales objectivement percutantes s'y tiraient la bourre avec une certaine monotonie (c'était un peu chiant, quoi !). Mais Feels, leur nouveau-né, est un album impressionnant, surprenant et prenant, où l'on crie pour expulser quelque mauvaise bile, où chacun semble jouer selon son envie du jour, qui de la guitare, qui du piano, qui de la batterie, le tout entrecoupé de hurlements en faveur d'une musique libre, qu'on dirait improvisée au fil de sessions où l'imagination de chaque membre s'épanouirait librement avant que tout le monde se retrouve autour du feu pour une longue complainte déchirante...Transe sans outranceOn sent chez ces animaux musicaux-là un vrai sens du collectif, comme si les All Blacks avaient transformé leur haka guerrier en ode à la nature et au bonheur chantée d'une voix de castrat avec pas mal de peyotl dans les intestins. C'est d'ailleurs ce collectif-là qui était la pièce manquante sur Sung Tongs, album enregistré à deux et passablement frustrant. Avec Feels, le groupe fait sentir à ses auditeurs son plaisir retrouvé de jouer ensemble : à la léthargie dépressive répond ainsi une transe permanente, une explosion de vie, de sons et de mots (Feels est un album bavard, fourni sans mode d'emploi, qui s'écoute comme une expérience sensorielle). Explosion qui sait aussi ménager ses retombées : le cœur de l'album (2 morceaux, Bees et Banshee Beat, 15 minutes au total) est un instant de contemplation déchirant, un moment d'hypnose musicale peuplé de sorcières et de fantômes, un appel à l'imaginaire où les guitares vibrent d'émotion devant autant de beauté. Musique difficile d'accès ? Pas tant que ça, en fait... Et d'ailleurs, pour répondre à l'objection, les formidables agitateurs de Superchampion invitent carrément les spectateurs curieux à le vérifier librement sur la scène de La Gourguillonnaise le 1er novembre : gratuit pour tout le monde, le concert d'Animal Collective pourrait bien en convertir plus d'un à ce weird folk dont on n'a pas fini de parler.Animal CollectiveÀ la Gourguillonnaise mardi 1er novembre"Feels" (Fat Cat/PIAS)


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