"On fait le grand écart"

Interview / Mark Tompkins, chorégraphe, crée Animal aux Subsistances. Propos recueillis par CC


Vous dites qu'Animal est né en partie du contexte politique américain ...Mark Tompkins : C'est tellement loin tout ça maintenant. Les événements du 11 septembre qui ont secoué la planète m'ont secoué beaucoup en tant qu'Américain. Mais le pire, c'est ce qui est arrivé après, cette sensation que l'Amérique est partie en croisade contre le reste du monde et notamment les pays musulmans. J'ai un peu honte pour mon pays, en tout cas pour son gouvernement actuel. Comme le spectacle tourne autour de la domination et du pouvoir, ça a inspiré certaines séquences.Pour la préparation du spectacle, vous avez emmené vos acteurs dans une forêt...Oui, je le fais tout le temps. Il y a le travail de préparation et de recherche et il y a le travail de construction et de mise en scène finale. J'appelle ce genre d'expériences le "sous-texte" : les fondations sur lesquelles ils vont construire leur personnage et leur rôle. Pour Animal, on a passé beaucoup de temps dans la forêt, autour de notre maison dans un petit village en Franche-Comté. On a fait des excursions dans la nature, dans l'eau de la rivière pour approfondir des sensations qui ne sont pas visibles maintenant, mais qui sont dans leur corps. C'est un travail sensible. Ce qui est positif, c'est que ça a créé une cohésion qui n'était pas celle du studio, et qui a enrichi ensuite le travail sur le plateau.Est-ce que votre envie de spectacle ne vous différencie pas des autres chorégraphes contemporains ?On est dans un entre-deux, en tout cas on fait le grand écart. Ce qu'on aime, c'est faire des spectacles accessibles à tous : il y a de la musique, de la lumière, on rigole ; mais quand on gratte un peu, ce n'est pas si drôle que ça. Il y a un certain nombre de choses qui circulent et qui ne sont pas là juste pour passer un bon moment. Il y a aussi le désir de tirer le tapis sous les pieds des gens, pour leur donner un autre tapis ensuite. Quand le spectateur pense savoir dans quel registre il évolue, on place une rupture. Nous voulons surtout brouiller les pistes, pas délivrer un message. Donc nous donnons beaucoup d'images sur ces questions-là, et à chacun d'y réfléchir.


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La danse du K.O.