Lutte finale


Spectacle / Aussi frais que Songs and dance (le spectacle génial qui l'a révélé au public lyonnais au printemps dernier) était rôdé, voici Animal, nouvelle création de l'inclassable Mark Tompkins, en première mondiale aux Subsistances. L'Américain souhaitait au départ s'interroger sur les rapports de dominations et les diverses formes de violence entre les hommes. À l'arrivée, le 11 septembre et ses conséquences sont passés par là, mais aussi son imagination ludique et son insatiable curiosité ; on a donc une fois de plus droit à un spectacle singulier, à la fois simple d'accès et complexe dans ses intentions, divertissant et dérangeant dans le même mouvement (c'est le cas de le dire). Tompkins lui-même ouvre le bal, son mètre quatre-vingt-dix dans un costume blanc immaculé, récitant à voix basse une page de philosophie, avant de hausser le ton pour déclamer du Hitler et un cantique religieux en tripotant la croix en acier qu'il a autour du cou. Pendant ce temps, quatre danseurs en pyjamas à carreaux se transforment en bêtes sauvages, se jetant à quelques centimètres des spectateurs installés de chaque côté du plateau. Plateau qui ensuite se transformera en ring où les mêmes danseurs se jaugeront dans des costumes à la Mad Max, avant de s'affronter dans des luttes à la fois réalistes et stylisées. Tompkins, devenu arbitre, en a le sifflet coupé, et il n'y aura pas de gagnant dans ce "struggle for life" pas si métaphorique que ça. D'où prestations hallucinées des acteurs, toujours à deux doigts de se flanquer de vraies mandales, régressant tels les idiots de Von Trier vers un primitivisme drôle et flippant dans une ambiance de foire cruelle où la musique (chansons pop et folks interprétées par Tompkins) n'adoucit pas du tout les mœurs. La tension, palpable d'un bout à l'autre, n'endigue pas le plaisir ; à moins que ce ne soit le plaisir étrange ressenti devant ce spectacle hors norme qui, à la longue, nous fasse glisser vers une angoisse latente ?CCAnimalDe Mark TompkinsAux Subsistances jusqu'au 15 octobre.


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"On fait le grand écart"