Pelly en son royaume

4 opéras et deux créations au théâtre : Laurent Pelly retrouve enfin cette saison le chemin des planches lyonnaises avec toutes ses casquettes. Christophe Chabert


Il aura fallu cinq ans pour que Lyon puisse à nouveau accueillir un spectacle de théâtre mis en scène par Laurent Pelly. Cinq ans entre les représentations de C'est pas la vie ? aux Célestins et celles du Roi nu à la Croix-Rousse (du 7 au 18 décembre). Cinq ans pendant lesquels il a vécu une déconfiture avignonaise, puis le rejet de la presse (C'est pas la vie ?), un long exil dans un hangar durant les interminables travaux du Cargo à Grenoble (années durant lesquelles il n'a jamais cessé de monter des spectacles), le triomphe international de ses opéras adaptés d'Offenbach (Orphée aux enfers, La Belle Hélène, Les Contes d'Hoffmann et La Grande duchesse de Gerolstein) dirigés par la baguette experte de Marc Minkowski et enfin une vraie consécration théâtrale avec les créations du Voyage de Monsieur Perrichon d'après Labiche puis du Roi Nu d'après Evguéni Schwartz. Schwartz, c'est un peu la fierté de Laurent Pelly : de plus en plus passionné par l'époque charnière entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, il a redécouvert cet auteur russe victime de la censure à son époque, et cette pièce en particulier (il l'a faite traduire par le maître André Markowicz) qui renvoie dos-à-dos toutes les formes de totalitarisme. Schwartz s'était pourtant inspiré des contes d'Andersen pour écrire cette farce politique corrosive, ce qui n'est évidemment pas sans déplaire à Laurent Pelly. La preuve, c'est le même mélange de satire et de merveilleux qu'il travaille par le biais d'Offenbach et qu'on retrouvera dans les quatre opéras qu'il présentera partout dans la ville entre le 19 novembre et le 6 décembre. Grande forme à l'Opéra National de Lyon avec Les Contes d'Hoffmann, déjà acclamé partout dans le monde ; et petites formes courtes (1 heure) pour Monsieur Choufleuri restera chez lui... (une critique féroce de la bourgeoisie parisienne) à l'Hôtel du Département, Petit voyage dans la lune (une politique fiction où rois et princes sont envoyés dans l'espace !) au Studio 24 et L'Île de Tulipatan (farce burlesque sur l'ambivalence sexuelle) au Musée des moulages.L'art du divertissementCar Laurent Pelly, c'est un jeu constant entre le merveilleux et le trivial, entre la scénographie et le texte. Une véritable esthétique qu'il a construite avec ses fidèles : Agathe Mélinand, créditée à la dramaturgie mais surtout complice de toujours et véritable alter-ego ; Chantal Thomas à la scénographie ; et depuis qu'il a retrouvé les murs flambants neufs de la MC:2 (ex-Cargo), une petite troupe d'acteurs parmi lesquels on retrouve Emmanuelle Daumas et Audrey Fleurot, anciens de l'ENSATT. Le style Pelly s'est ainsi dessiné avec une rare fidélité à lui-même : novateur et populaire, ambitieux et accessible, fantaisiste et sincère. Un théâtre qui a la prétention de divertir, sachant que le divertissement est ici considéré dans son acception la plus noble et la plus élevée, ce que devrait confirmer sa dernière (et toute fraîche) création de la saison, Les Aventures d'Alice au Pays des Merveilles, présentée à La Renaissance les 6 et 7 avril.


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