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Le traditionnel défilé des cinéastes-stars du denier festival cannois, des Américains turbulents, quelques Français attendus : le programme cinéma des quatre mois à venir fera-t-il oublier un bien morose premier semestre ? Christophe Chabert


D'abord, les mauvaises nouvelles : une fréquentation en chute libre par rapport à l'année dernière. Même si 2004 marquait un exercice record, les six premiers mois de l'exploitation cinématographique n'ont clairement pas été bons question chiffres. Sans vouloir jouer les Fogiel pourris (notez le pléonasme !), on peut constater que cette baisse-là correspond aussi à une bien piètre qualité des films sortis, surtout que les meilleurs d'entre eux n'ont pas franchement bénéficié d'une exposition grandiose dans les salles (on se répète : si vous n'avez vu ni L'Autre rive, ni Le Livre de Jérémie, ni Mysterious Skin, alors vous êtes passés à côté de la frange la plus dynamique du cinéma actuel). Certains ne se priveront pas pour mettre cette morosité sur le compte du Peer to peer et autres systèmes de transactions illicites par internet, mais on se demande si le repli vers des formules désormais éculées (la prod' Besson, l'adaptation de BD, le film avec des comiques télé, la comédie sociologique et parfois tout ça en même temps !) ne finit pas par saper le désir élémentaire d'aller au cinéma. Ainsi, quel spectateur ne s'est pas senti sali et/ou floué au sortir d'Iznogoud, film-étalon de ce cinéma cynique et décérébrant, équivalent possible de la pire télé, celle d'un Marc-Olivier Fogiel par exemple ?Cannes bisMéthode coué : il reste quatre mois pour redresser la barre avec quand même de belles promesses, donc rien n'est perdu. À commencer par la queue de la comète cannoise qui va déverser son lot de films acclamés durant le festival. On garde pour plus tard Caché et A history of violence (suspense !) et on prend directement rendez-vous la semaine prochaine avec Jim Jarmusch, Grand prix pour son Broken Flowers où notre idole Bill Murray part à la recherche des femmes qu'il a aimées pour savoir laquelle lui a fait un enfant dans le dos. Le 21 septembre, deux cinéastes précieux présenteront au public français leur nouveau film. Lodge Kerrigan qui poursuit avec Keane l'exploration des psychés américaines tourmentées après les très impressionnants Clean, Shaven et Claire Dolan ; et l'immense Alain Cavalier, dont Le Filmeur est la version montée du journal filmé qu'il tient depuis plus de dix ans. Cannes encore et toujours le 19 octobre avec les lauréats de la promo 2005 : les frères Dardenne avec L'Enfant. Après la légère déception éprouvée face au Fils, on attend beaucoup de ce nouveau film d'action social qui revient à la veine cruelle de Rosetta. Enfin, c'est Lars Von Trier avec Manderlay (la suite de son Dogville) et Atom Egoyan avec Where the truth lies (qui, a priori, ne s'appelle plus Where the truth lies, mais Somebody loves you, ce qui est quand même une drôle d'idée !) qui fermeront la marche, respectivement les 9 et 30 novembre.France-Etats-Unis, balles de match ?L'Amérique se fera remarquer en cette rentrée par la présence de deux scénaristes qui franchissent tardivement le cap de la mise en scène : Paul Haggis avait secoué son monde en écrivant Million Dollar Baby pour Eastwood. Il devrait passer la deuxième couche le 28 septembre avec Collision, où se retrouveront Matt Dillon, Sandra Bullock, Brendan Fraser et Thandie Newton. Quant à Shane Black, on était sans nouvelles de lui depuis ses ultimes vannes d'anthologies écrites pour les blockbusters ricanants des années 90 (Le Dernier Samaritain de Tony Scott, par exemple). Il refait surface aujourd'hui en réalisant Kiss Kiss Bang Bang (le 14 septembre), hommage déjanté aux films noirs d'antan. Niveau pointures américaines, on ne se privera pas de signaler la sortie des Noces funèbres de Tim Burton (un film d'animation concocté en parallèle de Charlie et la chocolaterie) et d'une deuxième cuvée 2005 Woody Allen (Match Point). Et on sera vigilant face à la première aventure long format de Wallace et Gromit (Le mystère du lapin-garou) et surtout le très politique Lord of war, troisième film d'Andrew Niccol (Gattaca, Simone) sur un trafiquant d'armes américain cynique et arriviste incarné par Nicolas Cage. Quant à la France, elle débarquera en rangs dispersés : nouvelle garde (Podalydès et son Parfum de la dame en noir le 14 septembre), jeune pousse (Emmanuelle Bercot pour son premier vrai long-métrage, Backstage, featuring Valérie Zeitoun !) et enfin old school (un Chabrol dans la lignée politico-ironique de La Fleur du mal).L'automne CronenbergEt Lyon dans tout ça ? Alors que tout le monde a les yeux braqués sur la réouverture du Comœdia (lire l'interview de Marc Bonny), l'Institut Lumière propose pour le trimestre à venir un programme très alléchant. Avec trois invités majeurs : Michael Haneke, qui présentera le 2 octobre Caché, pour lequel il a obtenu le prix de la mise en scène à Cannes (l'Institut lui consacrera ensuite une rétrospective) ; Lee Chang-Dong, ex-ministre de la culture sud-coréen mais surtout réalisateur de trois films essentiels, Green Fish, Peppermint Candy et Oasis ; et, last but not least, David Cronenberg en personne qui sera à l'Institut le 21 octobre pour causer de A history of violence, son nouveau film. Ensuite, vous pourrez vous délecter au même endroit de l'œuvre intégrale du plus grand cinéaste canadien, de ses premiers essais politico-gore (Frissons, Rage, Chromosome 3) jusqu'à ses chefs-d'œuvre récents (Faux Semblants, Le Festin nu, Crash) sans oublier son efficace période de studio (Dead Zone et La Mouche). On a bien fait de finir sur les bonnes nouvelles, non ?


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