"Une méthode singulière"
publié dans Musiques par Christophe Chabert le Mardi 5 juillet 2005
Interview / Philip Glass, compositeur de la musique de Naqoyqatsi.
Propos recueillis par CC
Comment travaillez-vous avec Godfrey Reggio ?Philip Glass : C'est une méthode assez singulière. Il m'apporte d'abord un premier montage des images qu'il a tournées. Je commence à développer des thèmes, des morceaux que je lui soumets, et à partir de ces musiques-là, il fait un second montage, en y ajoutant les images qu'il a tournées depuis. Il revient me présenter ce travail-là, nous en discutons ensemble et je compose la suite de la musique. Quand la partition est terminée, Godfrey refait un dernier montage où il incorpore les nouvelles images du film. C'est un travail très différent de celui qui se fait habituellement au cinéma, où l'on doit composer la musique à partir du scénario, et le réalisateur en dispose à sa guise.Comment se fait-il que certaines musiques composées pour la trilogie Qatsi se retrouvent dans un film comme The Truman Show ?Aujourd'hui, la plupart des cinéastes travaillent au montage avec ce qu'ils appellent une musique-test, c'est-à-dire une musique qui n'est pas celle que l'on entendra dans le film terminé, que l'on tire généralement d'une autre bande originale. Par exemple, en ce moment, la musique de The Hours est la plus utilisée comme musique-test à Hollywood. Pour The Truman Show, les producteurs s'étaient servis de plusieurs musiques que j'avais composées pour d'autres films, pour Mishima et Powaqqatsi surtout. Et quand ils ont voulu la remplacer, cela ne marchait pas du tout, aucune musique n'avait cette efficacité. Donc ils ont décidé de garder la musique-test.Récemment, vous avez composé la musique de L'Autre Rive (Undertow) de David Gordon Green...Oui, je suis très fier d'avoir participé à ce film, je l'aime beaucoup.Il est produit par Terrence Malick, avec qui vous n'avez jamais travaillé. Pourtant, on sent que vos univers sont assez proches...C'est vrai. J'ai rencontré Terrence Malick dans les années 70, c'est d'ailleurs Godfrey Reggio qui me l'a présenté, ils appartenaient à ce même groupe de cinéastes indépendants. C'est une personnalité très particulière, très imprévisible, mais effectivement, je comprends qu'on puisse faire des parallèles entre ses films et ma musique. Peut-être vais-je travailler avec lui sur son prochain film, mais avec Terrence, on ne peut jamais être vraiment sûr de rien...