Core décomplexé

Jazz / Prenez un saxophone, une basse, une batterie, torturez le tout avec quelques samplers et autres effets vicieux, vous obtiendrez Elvire, trio électro-jazz-core parfaitement en phase avec son étiquette. Conversation avec Romain Fourcy, saxophoniste. Propos recueillis par Emmanuel Alarco


Au départ, quel était l'horizon musical du groupe ?Comme beaucoup de gens, j'étais très attiré par la période électrique de Miles et après par tout le mouvement norvégien : Nils Petter Molvaer, Bugge Wesseltoft, mais aussi Truffaz. En même temps, on avait envie de faire un truc un peu plus trash, moins policé que l'électro-jazz actuel, alors on a décidé de rajouter le core ! En fait quand on a commencé le projet, j'entendais un truc qui serait un croisement entre Björk et Akosh ; Akosh, c'est un type qui m'influence vraiment dans son énergie, sa "simplicité" et Björk c'est quelqu'un que j'adore pour son travail sur le son. Après on écoute plein d'autres trucs qui lorgnent plus vers le rock comme Hint ou Nine Inch Nails...Vous parlez d'une musique instinctive qu'on entendrait à l'intérieur des rêves, des angoisses, des joies...Il m'arrive souvent d'avoir envie d'écouter un truc qui colle à mes humeurs mais que je ne trouve pas dans ma discothèque. Alors je me suis dit : "Si j'essayais de le faire !". Chaque morceau correspond à un truc hyper personnel et au final, c'est un disque que j'écoute souvent, je suis très content de ça. Pendant longtemps j'ai eu le complexe du saxophoniste de jazz, ultra technique ; du coup j'ai eu envie d'un groupe où l'on ferait de la musique sans complexe, où je pourrais me contenter de jouer deux notes si ça me chante, de suivre mes envies, sans calculer et en oubliant toutes les inhibitions.Comment les machines trouvent-elles leur place dans cette démarche ?En incluant les machines en live sur mon sax, j'ai un peu mis de côté la technique pour vraiment essayer de travailler la matière sonore. Sur le disque, tout ce qui est sons harmoniques, nappes est fait avec le sax, en le pitchant en utilisant la distortion... Je pars souvent de sons, de boucles, Fred (basse) aussi, après on cherche ce qu'on peut mettre par-dessus. On est très attaché au fait de raconter des histoires avec les morceaux, qu'il y ait un début, une fin. D'où les dialogues de films sur certains titres...Oui. Il y a pas mal de Lynch : Sailor & Lula, Lost Highway ; quelques dialogues, mais surtout de la matière sonore retravaillée. Sinon il y a aussi un passage d'Intimité de Patrice Chéreau...Et Toy Story !Absolument ! Le morceau commence avec ma voix qui répète "connard" et se termine avec ce passage où Woody explique à Buzz l'éclair qu'il n'est qu'un pantin articulé et qu'il ne peut pas sauver le monde. Dans une relation avec quelqu'un on a souvent envie d'être un super-héros, alors quand on n'y arrive pas, on peut avoir l'impression d'être un connard, le morceau est parti de là. La fin, c'est pour m'aider à accepter cette idée qu'on n'est pas des super-héros et qu'on peut avoir des failles...Elvire le 21 juin au Jardin des chartreux et le 17 au festival Fort en Jazz de Francheville (1ère partie de Magma)


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