Aérodynamiques


Electro-jazz / Matthew Herbert et Bugge Wesseltoft ont au moins trois points communs : leur crâne glabre, leur goût pour l'électro jazzy et leur présence samedi sur le plateau des Nuits SonoresChristophe ChabertDans le milieu électronique, le cheveu a tendance à se porter ras, sinon à ne pas se porter du tout. Chez un homme politique, la calvitie, ça fait ringard, alors que pour un Dj, c'est super-tendance (Alain Juppé a d'ailleurs envisagé un temps une reconversion en pousse-vinyles). Nuits Sonores sera donc cette année encore un festival du glabre, dans lequel certains sont candidats à la palme : Bugge Wesseltoft, magnifique trogne de Moby scandinave (norvégien, pour être exact), est devenu en l'espace de 4 ans l'ambassadeur d'un jazz up to date, c'est-à-dire assaisonné aux beats électro. Là où le "phénomène" Saint Germain s'est épuisé aussi vite qu'il n'est apparu (cinq tubes prêts à finir en publicités pour compagnies aériennes), Bugge a vaillamment transformé ses premiers exploits en style, y ajoutant même une fantaisie inattendue. La différence ? Wesseltoft est d'abord un vrai pianiste, et il a su former une équipe de musiciens cohérente pour délivrer sur scène des versions particulièrement convaincantes de sa "nouvelle conception du jazz" (selon ses propres mots). Des atmosphères aériennes des deux premiers albums (dont l'excellent Moving) aux compositions plus enlevées et plus groovy de Film ing (Jazzland-Universal), son dernier opus, sur lequel on retrouve quelques vétérans comme Joshua Redman, Bugge Wesseltoft a su conquérir un public mixant sans complexe amoureux du jazz et fondus du dancefloor.Le caméléon des platinesSi Wesseltoft a glissé du jazz classique à l'électro, Matthew Herbert a parcouru le chemin inverse. Pur produit de l'explosion techno-house du début des années 90, Herbert a d'abord joué les caméléons sous divers pseudos (surtout celui de Doctor Rockitt, sous lequel il a enregistré quelques albums remarquables et fourni des prestations live mémorables, dont une à Beaubourg où il a réalisé tous ses samples en détruisant des emballages de Mac Do !). Assumant finalement son identité, il va prouver que la musique électronique ne l'intéresse que si elle se mélange à quelque chose d'organique. Avec Around the house, album de house-jazzy composé à partir de bruits domestiques, puis avec Bodily functions, où les samples sont remplacés par des gargouillements d'estomac et des gargarismes bucaux, il impose une esthétique originale et emballante. Attiré par le jazz et la soul (sa compagne Dani Siciliano le lui permet grâce à sa voix profonde et langoureuse), Herbert a réussi l'exploit d'être crédible en tant que musicien, producteur et DJ, chaque fois dans des registres très différents. Là encore, sa pauvreté capillaire est inversement proportionnelle à la prolixité de ses inventions musicales. Alain Juppé, prends-en de la graine !Bugge Wesseltoft et Matthew HerbertSamedi 7 maiAux Salins du midi


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"Une édition charnière"