Ivre de soul


Musique / Rien de plus délectable que de tremper ses lèvres dans une fontaine dont on ne s'était promis de ne plus jamais boire l'eau. Tel est l'étrange effet que produit l'écoute du deuxième album de Sharon Jones, surnommée outre-atlantique "The queen of soul". Soul, Sharon Jones l'est jusqu'au bout des ongles : une manière de faire groover les mots, de remuer le ciel et la terre pour leur donner cette sensualité musicale à humidifier plus d'une muqueuse. De quel congélateur cette imposante lady est-elle sortie pour aujourd'hui réchauffer l'esprit et la lettre d'un genre qui ne connaissait plus guère que des imitateurs sans grâce ? Né à Alberta, Georgie (comme James Brown), élevée au grain d'une chorale gospel lors du prêche dominical (comme Aretha Franklin), guest attitrée du gratin funk (Maceo Parker en particulier), Sharon a pris à la fin du XXe siècle son envol solitaire. Naturally, son deuxième album, la révèle libre et insolente dans sa capacité à régénérer la musique soul. Atout précieux : un vrai groupe (The Dap-kings) et un vrai auteur-producteur (Bosco Mann) lui fournissent le fourreau adéquat à ses vertigineuses prouesses vocales. Respectueux de la tradition sans être serviles, appliqués à rester dans les marques d'authentiques compositions sans les bousiller à coups d'embardées héroïques, les Dap-kings sont pour beaucoup dans cette étonnante alchimie. C'est plutôt Sharon Jones qui s'amuse à bousculer les convenances, quand elle improvise une scène de ménage digne des meilleurs pages écrites par Iceberg Slim, ou quand elle fait roucuouler rondement le This land is your land de Woody Guthrie. Petits plaisirs majuscules qui risquent de vibrer encore plus fort quand ce beau monde fera, en live, suinter les murs du Ninkasi. CCSharon Jones and the dap-kingsAu Ninkasi Kao le lundi 24 mars"Naturally" (Ter à terre-Night and day)


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