Le peuple du Peuple

Musique / Véritable gloire locale, Le Peuple de l'herbe ne se repose pas sur ses lauriers : un troisième album qui assume le changement dans la continuité et une tournée au long cours qui les verra s'arrêter deux soirs de suite au Transbordeur. Christophe Chabert


Ils ne sont finalement pas très nombreux les groupes lyonnais à s'être fait repéré par les chasseurs de tête parisiens. L'exploit du Peuple de l'herbe, c'est d'avoir réussi sans véritablement appartenir à un genre précis, en tout cas sans être réductible à une formule rassurante. Hip-hop, Le Peuple l'est dans l'esprit : beats et samples, maîtrise absolue des platines, recours (tardif) à un MC... Mais ce hip hop-là se marie avec harmonie aux nombreuses expérimentations électro et aux instrumentations groove qui ont peu à peu pris le dessus dans les morceaux. À ce titre, Cube, leur troisième opus studio, est un album beaucoup plus hybride que les précédents. Moins immédiatement efficace, beaucoup plus hétéroclite, plus sérieux dans ses atmosphères : autant de signes qui montrent que Le Peuple de l'herbe ne veut plus être un prétexte musical pour une communauté d'auditeurs enfumés, mais un vrai groupe qui boxe dans la cour des grands. Lyon l'ayant définitivement adoubé (d'abord avec de nombreux fans, de Virginie Despentes au Natty bass, puis avec la reconnaissance de nos chers pouvoirs publics) et la France lui ayant offert une large reconnaissance (une Victoire de la musique pour leurs désormais légendaires prestations lives, des ventes d'album confortables), on sent Le Peuple prêt aujourd'hui à se mesurer avec ses homologues étrangers.Ailleurs, l'herbe est plus verte...La comparaison, évidente, avec les artistes hébergés par le label anglais Ninja Tune, ne tourne pas forcément à leur désavantage : JC001, leur fidèle MC, ne dépareillerait pas sur un album de Dj Vadim ; le travail sur les cuivres est tout à fait digne de celui d'Herbaliser ; et les nombreuses parenthèses décalées, scratchs débraillés ou samples du grenier peuvent passer pour une VF crédible du foutoir joyeux orchestré par un Kid Koala. Donner un aperçu complet des goûts et des aspirations du groupe, tel est le projet de Cube : génériques télé façon Lalo Schiffrin, école du rap européen (anglais ou allemand, via la présence des Puppetmastaz), vieille école électronique... À la réécoute, ce sont même les morceaux les plus inattendus qui s'avèrent les plus attachants : Kin Sapalot, étrange croisement entre ambiant diffuse et groove écrasé ; Boxin' da Beat, rencontre impossible entre une human beat box et du jazz lynchien ; Down by law, ou la tentation d'un downtempo rétrofuturiste. Loin de l'énergie festive qui a fait leur réputation live, donc... Comme si Le Peuple avait voulu tester jusqu'au bout les possibilités offertes par ce cadeau royal que leur a fait la Ville de Lyon : un studio aux Subsistances où ils peuvent prendre le temps de créer, expérimenter et inventer des formes nouvelles. Ne plus être un groupe de scène qui essaye de retrouver sur disque l'énergie du live, mais de vrais compositeurs qui se fixent le challenge d'enflammer des salles avec des créations élaborées, complexes et virtuoses. La mue du Peuple est annoncée : son peuple s'apprête à l'entendre, trépignant d'impatience.Le Peuple de l'herbeAu Transbordeur les 17 et 18 mars"Cube" (Supadope/PIAS)


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