Comme il respire

Musique / Après avoir chaviré le Sirius en décembre, Andrew Bird, son violon et son folk épicurien feront escale à la Fnac pour défendre un nouvel album précieux. Emmanuel Alarco


Il y a des soirs dont on se souvient. Et dont on se souviendra longtemps. Les loupiottes magiques du Sirius, le son des gouttes de pluie sur le toit du bateau, les reflets tourmentés du fleuve... Et puis ce type, seul dans son coin, qui attend que son tour vienne... Tony Dekker distille les dernières notes de son set fragile et touchant... On s'affaire sur scène... La silhouette ombrageuse entre dans la lumière et saisit son violon... Le silence s'installe. Une simple ligne mélodique devient boucle langoureuse, une autre vient la caresser, puis une autre et une autre... Andrew Bird n'a pas encore ouvert la bouche et sa musique enveloppe déjà la salle de ses volutes sensuelles, emplissant la moindre molécule d'air, le moindre souffle de vie. L'assistance flotte 10 cm au-dessus du sol, béate. Après cette ouverture majestueuse, l'homme va faire durer le miracle, enchaînant avec un naturel et une facilité désarmants morceaux de son album et nouvelles chansons, comme autant de moments de grâce pure. Transcendant littéralement l'usage de l'incontournable pédale-sampleur, tissant de somptueux écrins de cordes pour ses folk songs habitées, le spécimen fait en prime visiter les quatre coins de la gamme à sa voix insolente de pureté, sans jamais verser dans la performance ou la démonstration, en toute simplicité, comme il respire.Tombe la neigeAutant dire qu'après une telle apparition, le Chicagoan était pour le moins attendu au tournant. Avec Andrew Bird and the mysterious production of eggs, l'homme fait plus que relever le défi et livre un album à la densité rare, qui se paie même le luxe de surclasser son prédécesseur. Tout commence en terrain connu avec la fameuse ouverture instrumentale du concert qu'on retrouve avec émotion, puis un Sovay (déjà présent sur la version européenne de Weather systems) revisité. A nervous tic motion of the head to the left et son thème morriconien livrent ensuite la clef des grands espaces et confirment (même si on ne comprend pas toujours tout !) que le garçon possède un sens de l'humour bien à lui. Comme s'il n'avait pas assez de cordes à son arc(het), Andrew Bird démontre avec Fake palindromes que la fée électricité n'a, elle non plus, aucun secret pour lui et qu'on aurait tort de priver une bonne vieille chevauchée rock d'une mélodie à tomber. Structures déroutantes, rythmiques bourrées de trouvailles, ballades suspendues ou hymnes entêtants, le plaisir est partout, tout le temps ! Quand il a une idée, une envie, Bird y va et pas qu'à moitié ; aussi à l'aise en plaine qu'en montagne, en mer que dans les airs. Pour ne rien gâcher, le voyage s'achève avec un ultime crève-cœur en forme d'apothéose, Happy Birthday et ses nuées de pizzicati, bande son idéale pour contempler la lente chute des flocons sur la ville endormie. "Sing me happy birthday/Like it's gonna be your last day/Like it's hallelujah"... Sublime !Andrew BirdÀ la Fnac Bellecour, samedi 19 mars à 16hAndrew Bird and the mysterious production of eggs (Fargo/Naïve)


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Chapeau, Roots !