Stakhanov à Moscou


Musique / À sortir un disque, un DVD, enfin n'importe quoi avec des chansons dessus, tous les six mois, on finissait par trouver normal que Jean-Louis Murat ne soit pas toujours au top de sa forme, normal que la moisson 2004 (un DVD ainsi qu'un album à trois avec son bassiste Fred Jimenez et Jennifer Charles) nous laisse quelque peu perplexe. Sauf qu'à bien y réfléchir, à écrire comme il le confesse une chanson par jour, il paraît tout aussi normal d'en dégoter au moins quinze bonnes sur les 182 et demie pondues entre deux équinoxes... Passées ces considérations bassement mathématiques, soyons beaux joueurs et concentrons nous sur la première salve délivrée par JLM en 2005 : Moscou. Sur le papier, l'affaire prenait gentiment le chemin des sommets, bien paisible depuis le passage de la frémissante Lilith en 2003. Eh bien non, point de surprise, le nouveau Jean-Louis Murat ne déçoit pas. Il parvient même à nous convaincre de l'influence bénéfique du pâlichon A bird on a poire et surtout de son compositeur Fred Jimenez dont les mélodies 60's semblent avoir subrepticement infusé dans celles de son camarade de jeu. Pas de grand bouleversement, juste quelques inflexions inhabituelles qui au détour d'un couplet ou d'un refrain ouvrent de nouveaux horizons à une voix toujours aussi intouchable. Idem pour les arrangements de cordes : les mélopées haut-perchées de Dickon-Tindersticks-Hinchliffe font toujours leur effet, mais se voient voler la vedette par les ondes plus charnues de Marie-Jeanne Séréro, augustes vagues aux échos cinématographiques (on aurait envie de dire "deleruesques" !). Mais Murat s'en sort tout aussi admirablement quand il joue à domicile, dans un registre plus attendu, dépoussiérant un chansonnier du XVIIIe siècle (Pierre-Jean de Béranger à qui il consacre tout un album en mai), tissant la métaphore agricole le long d'un formidable Almanach amoureux, emballant l'allure sur l'incompréhensible et génial Nixon ou mettant tout le monde d'accord avec Et le désert avance, la plus "muratienne" de toutes, la plus belle aussi. EAJean-Louis Murat Au Ninkasi Kao le vendredi 18 mars"Moscou" (LabelsEMI)


<< article précédent
Chienne d'envie !