"Un medium excitant parce qu'inclassable"

Interview / Jacques Damez, photographe, coresponsable avec Catherine Dérioz de la galerie Le Réverbère. Propos recueillis par JED


La photographie est-elle aujourd'hui considérée comme un art à part entière ?Jacques Damez : Oui, si l'on se base sur le marché de l'art, sur la présence quantitative de la photographie dans le champ de l'art. Depuis dix ans, elle y a même pris une place quasi prépondérante. Mais cela ne concerne qu'un certain type de photographie dans un certain circuit de diffusion. La photographie la plus représentée aujourd'hui est celle qui vient du documentaire et la photographie plasticienne. Le problème fondamental reste que la place attribuée à la photographie n'est, à mon avis, pas la bonne : elle ne rend pas compte des problématiques propres au médium et c'est une manière de l'étiqueter. Selon moi, la photographie est un médium excitant parce qu'il est inclassable et qu'il couvre un champ hétéroclite (photo industrielle, scientifique, d'auteur, de reportage, de mode...). La photographie n'est que très rarement prise dans sa réalité de questionnement du monde. Quelle est sa spécificité ?Chaque outil artistique a des caractéristiques propres permettant d'exprimer un certain nombre de choses. La photo est le seul médium qui arrête le temps. C'est ce qui la différencie de l'écriture, du cinéma... Je ne crois pas au mélange des médiums qui mène à des objets indéfinis, soit disant propres à la contemporanéité. Je pense que la contemporanéité consiste au contraire en la capacité de se confronter à un médium.Cette position théorique se retrouve-t-elle dans la ligne du Réverbère ?Oui. Nous ne défendons pas de chapelle : on expose aussi bien William Klein que Rip Hopkins ou Lansley&Bendon, aussi bien de la photographie du réel que de la photographie plasticienne. Tous sont dans des questionnements de l'utilisation du médium photographique. Après, nos choix dépendent de la qualité d'écriture, évaluée à l'aune de nos compétences et de nos connaissances. Nous essayons de présenter des artistes ayant des particularités originales et qui ne soient pas dans la répétition. Être galeriste c'est aussi avoir une position de politique culturelle : on définit un espace et on affirme que, pour nous, cet espace-là est le plus important à une date donnée.


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