Heureux le nostalgique


Théâtre/ Un acteur, un pianiste et un public conquis d'avance. Jean Rochefort dans Heureux ?, c'est, plus que du minimalisme, une forme de minimum syndical du théâtre. Sur scène, aucun artifice, pas plus de mise en scène que de décors. Comme si Rochefort était là, assis sur son fauteuil au milieu de gens qu'il connaît bien, pour leur en raconter une bien bonne, et une autre, et encore une autre, pour la route. Il s'engage dans un drôle de dialogue avec un piano, mime les sketches de Fernand Raynaud tandis que Bruno Fontaine reprend, fort joliment d'ailleurs, les musiques d'Erik Satie. À la manière de Raynaud mais sans le chapeau, Rochefort devient plombier ou éléphant, parle des gens d'avant aux gens d'avant. Un épisode des deux croissants et c'est toute la salle qui s'esclaffe, après un voyage plus vrai que nature dans une 2CV rouge. Bien sûr, tout cela a un inimitable goût de réchauffé vu que tonton ne tousse plus depuis bien longtemps. Mais si la nostalgie (ici, des années 50, qu'on n'a pas forcément besoin d'avoir connu pour déjà bien les connaître) a remplacé le génie, si la reprise des précurseurs tient de l'innovation, reste alors à s'incliner bien bas. Ne pas crier à l'imposture, juste se taire et admirer un homme rompu à la communication avec son public, qui n'attend pas beaucoup plus de lui que sa présence, troublante et émouvante. Son public l'aime d'être là, et son rapport à la salle force finalement au respect. On ne sort sans doute pas du théâtre heureux, mais pas fâché non plus. Léger et éphémère comme la prose de Fernand Raynaud, Heureux ? s'oublie aussi vite qu'il se voit. DAHeureux ?Textes de Fernand Raynaud par Jean RochefortJusqu'au 12 mars au Théâtre de la Croix-Rousse.


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Pater noster et arrière-garde