"Une période représentative de Warhol"

Entretien / Isabelle Bertolotti, co-commissaire de l'exposition Warhol Propos recueillis par Jean-Emmanuel Denave


Comment accroche-t-on des Warhol ?Isabelle Bertolotti : Habituellement, nous travaillons avec des artistes vivants : on discute avec eux, on monte le projet ensemble, on choisit ensemble des couleurs de murs, de moquettes, des parcours, des grandeurs de salles... Avec un artiste décédé, la question s'est posée différemment : en fonction des œuvres, on a véritablement joué une scénographie importante, car les supports sont très différents et le parcours du visiteur est primordial parmi ce dédale d'œuvres. Nous n'avons pas suivi d'ordre chronologique, mais posé un regard un peu "critique" sur les œuvres : mise en opposition de certaines œuvres, succession de salles permettant de passer de la peinture à la vidéo, à la photographie, au son, et de mixer cet ensemble afin de rendre cette impression d'un Warhol multi-facettes.Quelle est la singularité de cette exposition ?Elle tend à montrer qu'il existe un autre Warhol que le Warhol Pop qu'on connaît. C'est un Warhol beaucoup plus profond, sensible, très marqué par la mort, avec une production qui s'ouvre sur une autre dimension : à la fois par l'échelle, le choix des sujets, ses interventions sur la toile, sa forte présence artistique...C'est paradoxal, parce dans le même temps, il produit ses œuvres les plus commerciales...Oui, et s'il doit être considéré comme provocateur, c'est sous cet aspect. On a l'impression que pour se protéger (je pense que c'était quelqu'un de fragile intérieurement), il prend les devants et se prétend superficiel, anticipe les critiques négatives... En même temps, je pense qu'il est sensible à ce qui pourrait ressortir de son œuvre "réelle". Ses Oxydations, ses Shadows ne se vendent pas et sont très mal reçues par la critique... malgré tout il continue ! Nous voulions présenter cette dernière période qui fut très décriée, et montrer qu'il n'était pas seulement un artiste de cour. Cette période me paraît plus représentative de Warhol. Elle est marquée, aussi, par un retour à l'abstraction, non sans quelque ironie dans certaines toiles.


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Warhol est vivant !